Seasons of Your Day par Me Rz
Dès le début de cet album on se sent « comme à la maison ». Chez Mazzy Star, en l'occurrence, ça ressemblerait à un de ces vieux appart, d'inspiration haussmannienne, comme on en trouve encore dans tous les centre-villes. Avec son plancher en bois de chêne, ses grands murs blancs et ses fenêtres à la française par lesquelles on peut observer la rue bouger en dégustant son café, ce qui est sans doute la meilleure chose au monde. Avec sa deco bigarrée entre les colifichets récupérés dans des braderies disposés à la va-vite et quelques affiches de films noirs exposés de-ci de-là, le miroir au dessus de la cheminée, les vieux sofas, la table basse toujours encombrée de verres à moitié vides, de cendriers trop pleins, de vinyles trop vieux, de bouquins de seconde main et de magazines écornés... Le genre d'endroit où il fait traîner sa mélancolie. Où l'on aimait à passer des heures allongé dans le canapé en écoutant ce que le duo d'hôtes avait à nous dire.
Voilà désormais plus de quinze que celui-ci n'avait pas occupé les lieux. C'est donc avec plaisir, mais non sans une certaine retenue, que l'on s'en va leur rendre visite, après tout ce temps, pour voir comment se passe ce retour.
Le constat ? Eh bien... Tout le monde a tout de suite repris ses repères, tout est à sa place, exactement comme avant, sauf que... Sauf l'émotion. Tout ces objets d'un passé révolu paraissent tristes, gris, comme fossilisés, pétris d'une nostalgie qui n'a rien de vibrante.
Hope (ah ce nom!) est bien telle qu'autrefois, il semble même impossible que le temps la défigure jamais de ses rides. Son chant est toujours aussi pur mais, plus qu'à l'accoutumée, elle fait tout ici pour en faire le moins possible. Elle chante même avec si peu d'emphase qu'elle donne l'impression d'évoquer les souvenirs de « Fade Into You », de « She's My Baby » ou de « All Your Sisters » avec détachement, avec la sagesse de l'âge et non plus avec l'angoisse de la jeunesse. Qui est angoisse de la vie.
David Roback, tranquille dans sa rockin' chair, appuie fortement sur la touche « americana » de sa lap steel, occultant les accents blacks, voire dark, qui faisaient tout le sel des opus précédents. Ses mélodies sont toujours agréables mais elles se contentent, là encore, d'évoquer les émois passés et, de fait, restent globalement oubliables. Exception faite de « Flying Low », situé en toute fin de disque et qui ressemble à une supplique pour que l'on ne quitte pas les lieux trop vite. Le morceau s'étire en longueur, flotte dans l'air et résonne comme une étrange intonation émotive qui trahit un sursaut de vie dans la voix de ce vieux couple dont nous venons de tromper l'ennui le temps de notre présence.
Il est tout de même trop tard. Ce bref moment de grâce n'est pas suffisant pour nous retenir plus longtemps. Pas assez pour renouer avec les frissons d'antan et envisager, inutile folie, un nouveau départ qui ne serait pas basé sur la seule nostalgie.
En quittant l'immeuble, en s'enfonçant dans les rues grises de la cité, le constat de cette visite chez nos vieux amis est mitigé : « Seasons Of Your Day » a suffisamment de quoi passer du baume au cœur un dimanche matin maussade, avant de passer à autre chose, mais hélas Mazzy Star ne sait plus incarner notre mélancolie aussi bien qu'il avait l'habitude de le faire autrefois.