Nursery Cryme : claque. Foxtrot : claque. Le sentant chrétien, je tends l’autre joue à Genesis quand il me présente son Selling England by the Pound.
Sorti seulement un an après son prédécesseur, cet album représente le pinacle de la créativité du groupe, l’expression la plus limpide de leur talent, nous offrant des morceaux titanesques tant ils frappent par leur beauté.
Quelle plus belle manière de commencer un album que par un chant a capella ? Dancing with the Moonlit Knight ouvre le bal par la voix cristalline de Peter Gabriel, et on est immédiatement envoûtés par la pureté de son organe qui nous invite dans son univers poétique et folklorique, sur fond de légendes anglaises. Cette intro a capella, elle me hantera à vie. Je me surprends souvent à la fredonner, souhaitant être aussi juste que Gabriel. Le reste du morceau est, cerise sur le gâteau, vraiment énorme. Hackett est déchaîné, Collins allie puissance et subtilité à merveille derrière ses fûts, Rutherford est inébranlable et Banks est un peu en retrait, se réservant pour la suite !
Firth of Fifth est l’autre merveille de l’album. Cette fois, c’est le claviériste qui se la joue solo pour l’intro, une prouesse pianistique saisissante, qui établit une ambiance mélancolique et joyeuse à la fois, se terminant en douceur pour laisser entrer la voix distinctive de Peter Gabriel qui une profondeur émotionnelle supplémentaire à la chanson à travers l’accalmie apportée par le motif principal.
Gabriel se livre ensuite à une longue mélodie à la flûte, hypnotisante, avant que Banks ne revienne pour reprendre son motif de l’intro, insufflant un dynamisme parfaitement cohérent à l’ensemble.
Puis lorsque le clavier cède sa place, c’est pour le superbe solo de Steve Hackett, qui vient saisir notre âme avec ses notes planantes et poignates, reprenant la mélodie jouée à la flûte. On ressent la complainte, la douleur, la grandeur, la beauté, bref, c’est somptueux.
The Cinema Show complète le triumvirat de chefs d’œuvre. Genesis nous livre une superbe ballade dans laquelle Gabriel nous enchante avec sa voix, avant que me morceau ne gagne en intensité avant de finir en apothéose totale avec un solo interminable de Banks accompagné magistralement par un Phil Collins qui abat une prestation monumentale à la batterie, mélangeant parfaitement rapidité, tonicité et douceur à ses caisses. Rien que de l’écrire, ce solo s’imprime dans mon esprit, alors je trouve ça magnifique, alors j’ai envie de réécouter le morceau encore et encore. Monumental.
The Battle of Epping Forest, sans atteindre les sommets du triumvirat, peut se vanter d’être une synthèse de Genesis, avec ses arrangements musicaux enchevelés et ses paroles riches en poésie. Le morceau raconte une histoire de conflit et de chaos dans le quartier londonien d'Epping Forest, mettant en scène une multitude de personnages. La composition comprend des changements de rythme dynamiques, des harmonies vocales complexes et des solos instrumentaux impressionnants, résumant l'habileté technique des membres de Genesis.
Malheureusement, Selling England by the Pound contient aussi deux atrocités : I Know What I Like et More Fool Me. La première me file des boutons tant elle dénature complètement l’essence du groupe, qui pond une ballade pop d’une chianteur sidérale alors qu’ils sont capables de produire des monuments comme ceux cités ci-dessus. Le fait qu’ils la jouent souvent en concert après être devenu le Genesis pop et fade qui joue du Diana Ross en dit long.
La seconde me fait rougir de honte tant le chant de Collins est d’un niais apocalyptique. Ces aigus surjoués, cette douceur nigaude de générique de dessins animés pour fillettes…beurk, je hais !
Selling England by the Pound est un putain de chef-d’œuvre qui aurait mérité la note maximale s’il n’était maculé par les deux horreurs qui l’enlaidissent. Malgré ça, c’est aussi l’album du triumvirat, et tellement de passages me transportent dans un autre monde que je ne peux que l’aimer d’amour.