Seventh Tree
6.7
Seventh Tree

Album de Goldfrapp (2008)

Après Supernature, back to nature. Telle pourrait être l'accroche pour le quatrième album du flamboyant duo électro britannique qui confirme, outre sa classe folle, sa capacité à surprendre, à se réinventer. On s'attendait à une suite, au risque de la redite, de leur épatant opus glam-disco Supernature (avec son irrésistible tube bêta Ooh la la), il n'en est rien. Seventh Tree est même tout l'opposé. Comme si Alison Goldfrapp et Will Gregory étaient revenus sur leurs pas, c'est-à-dire à Felt Mountain, l'album qui les révéla dans toute leur potentielle diversité en 2001. Adieu paillettes, boules à facettes et ambiances de dance floors décadents, place à des mélodies et à des sons plus purs, plus organiques, inspirés par les arbres et la verdure, les animaux et la nature. Avec, tout de même, cette forte touche de mystère et de fantastique que la littérature et le cinéma britanniques ont toujours su si bien cultiver. Car si la vénéneuse et impénétrable diva (rare objet d'admiration revendiqué par la vamp Madonna) a troqué sa défroque de Lili Marlene glaciale pour celle d'une hippie chic bucolique, elle demeure fidèle à son art de distiller cet érotisme distant et équivoque qui fait tout son attrait. Mais Seventh Tree ne séduit pas simplement parce que son concept est audacieux et culotté. Goldfrapp et Gregory ont surtout composé de bonnes chansons d'un folk orchestré (guitare acoustique, harpe, orgue et synthés bricolés) qui évite les pièges de l'easy listening indolore ou de la chansonnette filasse (deux genres qui font, hélas, florès aujourd'hui). Entre harmonies 70's kitsch à la New Seekers et le swing sixties aérien et psychédélique d'une Julie Driscoll ou d'une Dusty Springfield, Alison explore, sans jamais en faire trop, toute l'étendue de son registre vocal. Seventh Tree est une invitation à prendre l'air qu'on aurait tort de décliner (Télérama)


Tôt ou tard, il faudra bien se faire à l’idée qu’au XXIe siècle les groupes vivants ne se contenteront plus d’épouser la courbe harmonieuse d’une trajectoire plan-plan – du plan de carrière au plan retraite –, privilégiant au contraire les ruptures intranquilles et les décrochages imprévus. Puisque de toute façon tout ça est appelé à terminer en poussière digitale, or et sable mêlés, autant laisser l’intuition servir de guide et le temps faire le tri. En abandonnant les hauteurs de Felt Mountain, leur vertigineux premier album, pour redescendre à pic dans la moiteur d’une glam-pop aguicheuse (Black Cherry) puis creuser une galerie eurodance en forme d’impasse douteuse (Supernature), Goldfrapp nous a fait très peur, alors qu’en réalité le duo maîtrisait parfaitement sa cascade. La preuve, par contraste, avec ce quatrième album, où il réapparaît en pleine majesté, sous une pochette Barry Lyndon aux lumières pastorales clairement annonciatrices du contenu.Il ne faudra pas longtemps – la mélodie suspendue et les cordes belles à crever de Clowns – pour valider les prodiges de cette nouvelle métamorphose. Hier encore Madonna du pauvre, Alison Goldfrapp se mue en petite sirène folk dans les traces récemment déterrées de l’oubli d’une Vashti Bunyan. Pour la logique, on repassera, mais pour l’éblouissement, on reste là, pétrifié, envoûté par la grâce d’un Little Bird aux airs de comptine psychédélique qui vient sur la fin pondre ses œufs dans le nid très haut perché d’une Kate Bush.On n’a encore rien vu : la suite ressemble à une farandole extatique, un Magical Mystery Tour retravaillé avec les machines à vapeur empruntés à Air – Road to Somewhere –, alternant accélération pop et ballades en planeur sur la lande ensorcelée où s’arrêta jadis la caravane du folk anglais, l’odeur du patchouli en moins, une espèce de sensualité cosmique en commun. Il y a enfin cette grande bâtisse qu’est le mystérieusement nommé Cologne Cerrone Houdini. Après Supernature, c’est la seconde allusion à l’apollon sur talonnettes du french disco 70’s, mais le morceau lorgne plus volontiers vers Jean-Claude Vannier et les orchestrations psycho-dramatiques de Melody Nelson, et donc vers Houdini le magicien. C’est d’ailleurs l’illusion que procure cet album dont l’importance est immédiate : un grand numéro de prestidigitation musicale, Alison au pays des merveilles. Un rêve éveillé.  (Inrocks)
Diantre, qu’elle a mauvaise réputation, cette pauvre Alison. La minuscule demoiselle de Goldfrapp porte vraisemblablement un gilet pare-balles en béton armé sous son corset de pin-up. Pas vraiment aidée par un Will Gregory planqué sous ses jupons, la conquérante doit à la fois désavouer son image de poupée glacée, qu’elle a bien cherchée soit dit en passant, et essuyer les attaques répétées à l’encontre de sa musique, déviée de son luxuriant cours orchestral vers une new-wave de boudoir avec Black Cherry (2003) et Supernature (2005). Les réfractaires à cette métamorphose glam seront rassurés par les ambiances contemplatives de ce nouvel album, loin des bas-fonds urbains et décadents de ses prédécesseurs. Particulièrement faible, son premier single A&E (et son jumeau Road To Somewhere) trompera le chaland avec son faux parfum de Waterfall qui vient s’évanouir dans des vapeurs new age. Avec une élégance inouïe, Goldfrapp préfère griller toutes ses cartouches dès l’ouverture de son disque, fort de sa sublime ballade folk Clowns, impossible à écouter sans voir pointer ce bon vieux rhum des foins. Quoi de plus normal quand la voix d’Alison, réincarnée en Liz Fraser, vient souffler ses mots glacés et mystérieux dans le cou. Plus rustique encore, Eat Yourself témoigne aussi de cette volonté de retourner au plus près de l’os, d’une guitare acoustique ou d’un clavier vintage, sans fioritures ni caprice, pour laisser lentement venir l’émotion à soi. Mais comme ces deux-là sont avant tout des faiseurs de pop par excellence, ils ouvrent d’autres pistes encore dans leur laboratoire enseveli sous les instruments rares et précieux de toutes époques. Happiness et ses faux airs de Strawberry Fields Forever devraient logiquement, dans notre monde idéal, bouter Mika hors de son trône pour y installer le gracieux pop-otin d’Alison. Quant à Caravan Girl, bombe de soul moderne, elle reprend les affaires là où Texas les avait laissées à l’époque de Black-Eyed Boy, en les propulsant dans le XXIe siècle. D’ailleurs, Sharleen Spiteri et la diva de Goldfrapp devraient partager un thé autour de leur passion commune pour Serge Gainsbourg, pillé encore une fois sans vergogne (Cologne Cerrone Houdini). On a connu des citations plus inspirées de leur part… Certes, Seventh Tree ne tutoie pas les sommets perchés de Felt Mountain (2000), au moins ne prend-il jamais racine.(Magic)
Goldfrapp – le groupe qui surgit toujours là où on ne l'attend pas, au risque de produire des surprises moins agréables. Goldfrapp – trois disques qu'on ne sait déjà plus dans quel rayon ranger : le premier, "Felt Mountain" (2000) les faisait monter droit au classement stratosphérique des albums éternels et parfaits, dans la lignée de Portishead ou Cocteau Twins. Mais, alors qu'on flottait encore dans ses nuages rose-acide en Cinemascope™, sort "Black Cherry" (2003), réincarnation d'un esprit "eighties-revival" dans un corps de Terminator 3. Sinistrés, les fans de la première heure se débrouillent comme ils peuvent en sniffant çà et là de vagues traces de la tendresse initiale. Ceux qui venaient juste de découvrir l'electro-diva Alison Goldfrapp allaient ainsi l'apprécier pour d'autres raisons sur le troisième album, le disco-mutant "Supernature" (2005), avec ses arrangements passés à nouveau par le laboratoire de Will Gregory, mais qui semblait enterrer pour de bon la première impression (une illusion ?). Et juste au moment où on s'était résignés au fait que "Felt Mountain" resterait unique en son genre, sort ce "Seventh Tree", avec sa vidéo enfantine pour un premier single déjà addictif : "A&E". Sceptique, on écoute les autres morceaux, et on a du mal à le croire : timide, comme dans un film décoloré, la magie renaît, et l'entrée - "Clowns" – est pleine de toute la beauté du monde. Désormais, après un nouveau changement de trajectoire, le style rappelle les années 70, son folk et ses guirlandes de fleurs compris. Si en 2000 l'inspiration cinématographique renvoyait à Ennio Morricone, maintenant elle se fait plus discrète, même si la pochette imite une affiche de film dans les moindres détails – lettres, éclairage, couleurs. Et "Cologne Cerrone Houdini" commence comme une Dalida clonée, numérisée et hybridée avec Amanda Lear. De toute façon, Alison nous rappelle qu'elle a une voix monstrueusement belle, digne du panthéon des vraies déesses. Une voix dont elle se sert avec la même (auto)ironie pour laquelle on l'admirait dès le début, sur des paroles qui ressemblent parfois à des roucoulements. On a ici un album sur lequel je n'arrive pas à trouver de faille – serait-ce un candidat pour le top 2008 ? C'est peut-être mieux qu'après le début ils n'aient pas continué tout de suite dans la même veine, le risque de décevoir était trop grand. Alors que maintenant, après ce qui semble une parenthèse (l'est-elle?) "Clowns" pourra nous hanter toute l'année, sinon pour toujours. Ou, selon les paroles d'un autre morceau : "Some people kill for less" – il y en a qui seraient capables de tuer pour moins.(Popnews)
Curieuse carrière que celle de Goldfrapp. Après l’universellement acclamé "Felt Mountain", et contre toute attente, le duo formé par Alison Goldfrapp et Will Gregory a décidé de se lancer dans un genre beaucoup plus glam. Un choix qui, s’il a séduit quelques-uns, a fait grincer les dents de la plupart. Deux albums, mitigés mais souvent sous-estimés ("Black Cherry" et "Supernature"), plus tard, alors que le cas de Goldfrapp paraissait presque définitivement réglé, survient "Seventh Tree" annoncé comme un nouveau virage en épingle dans le parcours de Goldfrapp.

Clowns surprend d’entrée de jeu et permet de comprendre que l’annonce n’avait rien d’un effet de manche. Si l’on ne retrouve pas l’ampleur et les grands espaces de "Felt Mountain", ce folk intimiste, racé et élégant, ourlé d’arpèges de guitares délicats et de vagues de cordes, permet à la voix d’Alison Goldfrapp de faire des merveilles. Le début de l’album, très réussi, enthousiasme : Happiness, à la fois sautillant et mélancolique, se rapproche très légèrement de la veine électronique des précédents albums, et Road To Somewhere, sommet de l’album, file carrément le grand frisson. Some People et A&E, anonymes, s’écoutent distraitement et font retomber l’euphorie d’une classe qu’on croyait totalement retrouvée. Cologne Cerrone Houdini, réminiscence du Melody Nelson de Gainsbourg, puis le putassier mais délicieusement efficace Caravan Girl, rehaussent le débat avant un ambitieux (mais pas totalement réussi) Monster Love en fin de parcours.Il n’y a pas tromperie sur la marchandise : "Seventh Tree" marque bien le retour de Goldfrapp à une musique plus sobre, moins clinquante… au point que son élégance passe parfois inaperçue de prime abord. L’album se bonifie au fil des écoutes, bien aidé en cela par le chant toujours aussi magnifique d’Alison Goldfrapp. Certains reprocheront probablement à ce "Seventh Tree" de ne pas être un chef-d’œuvre ; certes, mais il tient suffisamment bien la rampe pour qu’on refuse de s’en priver.(indiepoprock)  

bisca
7
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le 27 mars 2022

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