Cabestany, pas très loin de Perpignan, est peut-être le coeur secret du rock français. D'abord parce qu'il y a plus de 40 ans, j'y ai vu par hasard les Blessed Virgins (remember les Blessed Virgins ? Non ?) mettre le feu à la Salle des Sports et que cette soirée mythique (pour moi) figure dans mon Top 10 parmi le bon millier de concerts que j'ai pu voir. Anecdotique ? Pas sûr depuis que les Limiñanas de Cabestany font le buzz jusque dans les cercles branchés aux US, et constituent la version la plus passionnante des Enfants du Velvet en ce XXIème siècle qui a tant besoin de rythmiques plombées et de chants obsessionnels, un poil hébétés. Oui, il doit y avoir quelque chose dans l'eau à Cabestany !
Alors, ce "Shadow People" ? Sans surprises, me direz-vous ? Oui, vous répondrai-je, et heureusement ! Même sous l'habillage d'une production un peu plus sophistiquée d'Anton Newcombe, qui vient en outre poser sa voix sur un titre, même avec des "invités de prestige" comme on dit (Emmanuelle Seigner, toujours classe, Peter Hook qui fait toujours du New Order mieux que New Order, Bertrand Belin pour le meilleur titre de l'album, le formidable "Dimanche"), un disque des Limiñanas reste un disque des Limiñanas : lourd, buté, terriblement envoûtant (ces instrumentaux "garage" qui font insensiblement enfoncer la pédale de l'accélérateur lorsqu'ils passent sur l'autoradio...), avec ça et là une ouverture vers un psychédélisme pop plus léger ou vers une nostalgie à la Gainsbourg (qui n'est pas le meilleur de l'album, mais bon...). "Shadow People" n'est rien moins qu'un autre classique instantané du Rock comme la France n'en produisait pratiquement jamais avant que les Limiñanas ne boivent l'eau de Cabestany.
Tiens, je sais où je vais aller prendre ma retraite, moi !
[Critique écrite en 2018]