Le barillet chargé de fulgurances Hendrixiennes, Frusciante a bombardé nombre de lignes mélodiques gravées dans mes mémoires. Sa manière de jouer, manipuler, l'héritage du maître sous un nappage minimaliste faisait souvent mouche.
Une personnalité musicale riche se dévoile dans ce Shadows Collide With People, non régit par les impératifs d'un groupe à l'aura mondiale. Une sorte de complément de l'oeuvre des Angelinos, un détour avisé pour tout esprit avide de cerner la personnalité du musicien.
Le disque officie un virage singulier dans la carrière du guitariste, qui se découvre une nouvelle palette de composition plus mélodique qu'à l’accoutumé.
Loin des cocottes Funky, rythmiques nerveusement Rock, le guitariste explores les accords ouverts tintés de Folk. Ajoutant dans sa tambouille ses caractéristiques habituelles : Léger crunch, chorus mielleux et reverb à foison. Une nouvel ensemble coloré laissant présager la teneur Pop d'un certain "By The Way".
Shadows Collide With People faisait déjà écho d'arrangements fleurissant de cœurs aigus, synthés flottants appuyant les accords, échos vocaux et autres superpositions d'accords incorporés dans un mixage méticuleux.
John trouvant parmi cette flopée de sons diverses une uniformité commune, participant à l'identité nostalgique désenchantée du disque.
L'album prend forme sous un ensemble de Folk songs ( "Omission", "Wednesday's Song"...), élans Rock ( "Second Walk", "Carvel", "This Cold") enlacé d'interludes psychés ( "O.O. Ghost 27", 23 go in the end" & "Failure 033" ). Compréhensible tant l'expérimental a toujours été un penchant important de la discographie de Frusciante.
Sorti de ses tourmentes sous psychotropes de l'ère "Californication", John apparaît plus serein, plus mur. Sa voix prend enfin tout son étoffe, très loin des bafouillages hasardeux et timides de "Niandra LaDes and Usually Just A T-Shirt". Sa gamme vocale est variée et s'adapte à tout types d'environnements musicaux. Jonglant tour à tour entre notes appuyées avec son coffre, voix de têtes, éraillements et chants légers. Son répertoire permet de dompter ses compositions en y apposant une palette d'émotions large et maîtrisée.
Pas vraiment composé de fulgurances guitaristique comme j'avais pu l'envisager de la part d'un John en vadrouille solitaire. L'album est patchwork d'ambiances & de sonorités qui gravitent dans l'esprit de l'artiste, même si de temps en temps le guitariste hors pair ressort lors d'un solo bien vénère en finish de "Second Walk''.
Shadows Collide with People est idéal pour tisser les liens qui articulent "Californication" & "By the Way". Une manière de saisir le cheminement intellectuel et psycho qu'un musicien peut entreprendre à travers le temps. Comment cela se reflète dans la manière dont il envisage sa production artistique.
Une galette qui questionne indirectement le modèle de production musicale et ses limites créatives. Verrouillage des majors, attentes et pression du public, l'obligation économique d'une retranscription live, rentrer dans les codes de diffusions médiatiques. Sans oublier les carcans d'un groupe qui sous le vivre ensemble génère des compromis inévitables.
Tant de rouages qui dénaturent le processus et la conception d'un "produit" musical. En cela Shadow Collide With People est un objet fascinant, un disque qui tente de s'émanciper de ce cadre et de refléter une part de de spontanéité réellement rafraîchissante.