"Sorry about this" comme elle dit.
Trois ans après leur second opus « Both Ways Open Jaws », et déjà six ans après le debut album qu’était l’étonnant « A Mouthful », c’est l’heure du retour avec un troisième disque pour le duo franco-finnois The Dø. Si le précédent enregistrement ouvrait grand la voie aux sonorités électro tout en conservant le sel de la variété d’instruments et de registres qui avait fait la richesse du premier effort du groupe, force est de constater que ce « Shake Shook Shaken, qui nous invite à réviser nos verbes irréguliers dans la langue de Shakespeare, fait le choix de stagner sur cet acquis et de refermer quelque peu la porte à la complexité musicale au profit d’une forme d’accessibilité pop et mainstream un peu décevante.
Le disque a en effet le défaut de vouloir se cantonner presque exclusivement à un tournant musical « tout électro », comme pour surfer sur la vague musicale d’une certaine pop actuelle à succès. Mais si un tel choix se serait sans doute montré pertinent il y a trois ans, à l’époque de « Both Ways Open Jaws » – on se souvient de l’excellente « Slippery Slope », entre autres – désormais le groupe accuse un léger train de retard et le disque se place un peu en porte-à-faux : choix délibéré ou bien hasard artistique un brin malheureux ? Difficile de trancher. Ceci étant dit, ce nouvel opus offre quelques beaux moments, du titre en ouverture, l’entêtant « Keep Your Lips Sealed » (de loin ce qui reste le plus longtemps après écoute) à l’ultime et étrange « Omen », mais le plus souvent il faut chercher, au sein de morceaux de qualité variable, quelques bonnes idées qui viennent rehausser un ensemble un peu terne. Les synthés se montrent ainsi parfois la meilleure arme du groupe pour nous convaincre in extremis, comme le gimmick à la fin du refrain de « Despair, Hangover & Ecstasy ».
Un autre défaut de cet album est son manque de variété et son côté un tantinet monocorde. On appréciait la voix étonnante de la chanteuse Olivia Merilahti et ses envolées dans des aigus parfois un peu fragiles mais toujours frais, le côté un peu déjanté du groupe qui mélangeait les genres avec un enthousiasme assez débordant (chœurs d’enfants, chants traditionnels et hip-hop dans « A Mouthful »), mais désormais, il faut compter sur un enthousiasme mécanique et des nappes de synthé un peu pompières pour raviver une flamme qui semble perdue. Olivia se cantonne à un registre un peu boudeur, voire geignard, et même les morceaux les plus enjoués et dynamiques ont un côté neurasthénique qui finit par nuire au disque. Pour faire simple, disons que tout cela sonne un peu désincarné et l’ennui guette assez rapidement, bien que le disque ne soit jamais désagréable pour autant. D’autres groupes ont mieux travaillé ces derniers mois (qui a dit années ?) une électro-pop semblable et tout aussi nostalgique et désenchantée que ne le fait le groupe sur cet album.
Heureusement, quelques saillies viennent nous sortir (un peu) de la torpeur ambiante. « Anita No ! » est une jolie ballade pop où le groupe réussit enfin cette alchimie étrange qu’il semblait rechercher tout au long du disque. « Lick My Wounds » avec son clavier rétro, sa mélodie presque baroque et ses chœurs charmants est un autre temps fort. De manière générale, la deuxième moitié de l’album est d’un meilleur acabit que son début, exception faite du très bon morceau inaugural. Pour qui ne connaîtrait pas les deux premiers albums du groupe, il serait facile de se laisser séduire par ce disque finalement bien produit et plutôt sympathique, sorte d’inoffensif bruit de fond pas vraiment mémorable et dont peu de choses subsistent après quelques écoutes studieuses. Ce n’est pas mauvais, ce n’est juste pas marquant. Le français a un mot qui résume assez bien l’idée : médiocre. La pente qualitative amorcée avec le second album se confirme donc : The Dø n’a pour l’instant pas su réitérer le petit exploit de son très beau et très original premier album. Gageons qu’un futur quatrième album nous fera mentir.