Shakira, la fête est finie
Après quatre ans d’absence, Shakira revient avec un nouvel album éponyme - le dixième de sa carrière - fruit d’un long travail et de nombreuses influences. Chronique d’une déception.
Qu’on aime ou pas, chaque album de Shakira est un événement. La star colombienne fait partie, avec Beyoncé en tête, du cercle fermé des artistes pop commerciales ayant un véritable talent. Avec sa voix reconnaissable en milles, son célèbre déhanché, ses influences à la fois rock et latino, la chanteuse la plus « likée » sur Facebook a su se faire une place à part entière dans l’univers hyper concurrentiel de la pop musique.
Sauf que ce dixième album, « Shakira », est une véritable déception. Terminé le supplément d’âme qui émanait de quasiment chacune de ses chansons : Shakira est devenue une artiste lisse, totalement stéréotypée. Il est donc logique qu’elle sorte un opus passe-partout.
La plus grosse désillusion de ce dixième album réside bien entendu dans la prédominance de l’anglais dans la tracklist : seuls deux morceaux - dont « Nunca me acuerdo de olvidarte », version hispano du tube avec Rihanna - sont en espagnol. Une véritable rupture comparé à « Sale el Sol », ou encore à « Fijación Oral », entièrement composé dans la langue de Cervantes et qui ruisselait de pépites. Ce choix est d’autant plus désolant que la reprise du premier single de l’album s’avère bien plus harmonieuse qu’en anglais, et que « Loca por ti » est un des sons les plus touchant de l’album. Mention spéciale également pour « Boig per tu », la version catalane (uniquement disponible sur l’édition espagnole) qui a réussi à créer la polémique, tout en se classant n°1 de l’autre côté des Pyrénées.
Autre problème et non des moindres : le trop plein d’influences. Outre « Can’t remerber to forget you », fade et sans intérêts, Shakira nous offre à deux reprises un véritable cauchemar auditif avec « Dare (lalala) ». Entre une utilisation (déjà rédhibitoire) ratée du vocodeur, un sample électro tout droit sorti d’un épisode des « Marseillais à Rio » et des paroles vides de sens, ce morceau est un modèle de ce qu’il ne faut pas faire. Malheureusement, il semble que l’industrie musicale nous veut du mal : diffusée toutes les heures pour la pub de Danone, la version en portugais est elle prédit pour être un des hymnes de la Coupe du Monde 2014. Une longue compétition en perspective.
Quelques chansons se détachent néanmoins. « Empire » tout d’abord, second single de l’album, teinté d’une délicieuse sonorité rock et de choeurs accrocheurs, tout comme « Cut me deep » qui voit introduire une agréable influence jamaïcaine. « 23 », ode au père de son fils, Gérard Piqué, a le mérite d’être jouée en acoustique et permet à la star internationale de nous partager un moment de son intimité avec la présence de son fils lors des derniers accords du morceau. D’autres chansons, telles que « The one thing » ou « Medicine » se laissent écouter et devraient rencontrer le succès espéré, mais sans trop de conviction.
En bref, on peut regretter que Shakira ait laissé de côté sa véritable personnalité pour livrer un album convenu. Même si le succès commercial est d’ores et déjà au rendez-vous (il est en effet classé numéro 1 dans plus de 60 pays), l’absence de titres marquants, comme « La Tortura », « Hips don’t lie » ou encore « Objection (Tango) », ne permettra pas au dixième album de la Colombienne de rester dans les annales. Un anniversaire qui laisse un fort goût d’inachevé.