Tant de choses à découvrir.
Il y a trois ans sortait Veckatimest, troisième album de Grizzly Bear qui voyait le groupe sortir de l’ombre. Propulsés par quelques singles incroyables (Two Weeks, Ready Able…), ils étaient enfin sous les feux des projecteurs. Salué par la critique et ses pairs, le disque connaitra même un joli succès public qui les imposera comme une des formations majeure des années 2000. Cependant, il faudra reconnaitre malgré toutes ses qualités que le disque était parfois écrasé par des compositions presque trop grandes pour eux. Alternant entre morceaux intimistes et cathédrales pop, Veckatimest ne trouvait pas l’équilibre qui aurait pu en faire un grand album, un album incontournable qui compte dans l’histoire de la musique. Les ingrédients étaient là mais la recette n’était pas tout à fait au point.
Ne tournons pas autour du pot, si Shields se démarque suffisamment de son grand frère pour ne pas s’amuser au jeu des comparaisons, Grizzly Bear à gommé les défauts de son prédécesseur afin de trouver l’équilibre qui permet à n’importe quel disque de perdurer dans le temps.
Dès l’ouverture, avec la chanson Sleeping Ute, le groupe originaire de Brooklyn dévoile une toute autre facette. L’introduction est rude, un morceau presque rock voire anti-mélodique qui montre bien que l’intention n’est pas de caresser l’auditeur dans le sens du poil mais au contraire de le bousculer. Au revoir les harmonies vocales et les prouesses orchestrales, les quatre garçons ont grandi et les envies ne sont plus les mêmes. Shields ne renie en aucun cas Veckatimest mais se dirige vers une forme plus minimaliste. Que ce soit les instruments à vent ou à corde, les orchestrations se font plus discrètes, Grizzly Bear se débarrasse de ses obsessions et renoue avec une musique plus classique mais où chaque composition garde pourtant l’empreinte du groupe.
Ce quatrième album n’est pas un bouleversement total, les chansons oscillent toujours entre le folk et la pop et le groupe signe encore une fois un disque empreint de mélancolie. Les voix d’Edward Droste et Daniel Rossen sont quand à elles toujours aussi belles mais se mêlent moins aux autres. Sûrement moins réfléchi et perfectionniste que par le passé Shields n’en parait pas pour autant plus grossier mais au contraire, bien plus subtil. Chaque chanson est parcourue de détails qui fourmillent, la clarinette basse sur The Hunt donne à la chanson une profondeur bienvenue quand aux boucles de synthés sur Sleeping Ute, elles viennent faire virevolter un peu plus dans nos têtes cette bourrasque sonore.
Au-delà de ces petits plus qui en font beaucoup, comment ne pas admirer les variations dans chaque chanson. A l’image d’A Simple Answer qui débute comme une balade enlevée avant de finir en apothéose avec cette conclusion dramatique qui prend tout d’un coup aux tripes. On prendra encore pour exemple Sleeping Ute (loin d’être la meilleure pourtant), chanson presque violente, qui finit sur une accalmie avec une guitare folk sereine pour seule compagne.
La grande force de ce disque est là, celle d’être tout et son contraire. La batterie claque, les guitares sèches et saturées sont souvent au premier plan mais sont toujours contrastées par la douceur le raffinement de certains arrangements bien plus discrets. Shields ne paye pas de mine par rapport à Veckatimest et pourtant, les richesses mélodiques semblent innombrables grâce à des compostions qui ne cessent de nous surprendre malgré les écoutes répétées. Jusque là, Shields n’a montré aucun signe de lassitude, les chansons prises individuellement ne sont jamais époustouflantes mais l’œuvre dans sa globalité nous laisse admiratif.
Au final, il est incroyablement dur de décrire en quoi ce disque est grand, pourquoi Shields est un disque qui va compter non seulement pour le groupe mais aussi dans les années à venir car tout y est question de ressenti. Au-delà des compositions impeccables, de l’ambiance globale qui s’en dégage et de la qualité constante quelque chose d’autre est là mais qui reste insaisissable. C’est sûrement dans cette part de mystère que réside sa force, cette impression de ne pas en avoir fait le tour et qu’il y a tant de choses à découvrir.