Peu nombreuses sont les œuvres à bouleverser la perception que tu as d'un art, à transfigurer ton rapport à celui-ci, à se poser en aboutissement de tout un pan de création mais en même temps de mieux t'ouvrir à ses autres propositions. Des petits miracles qui surviennent sans s'annoncer pour ne plus jamais te quitter.
Shiny Eyed Babies se présente donc comme 60 minutes de douce tristesse, de celle que l'on prend presque plaisir à ressentir à condition de savoir comment l'apprivoiser, de trouver la bonne manière de s'y perdre, il capte les peines que l'on reçoit et semble leur dire: "bon, elles sont là alors autant se plonger dedans pour voir ce qu'on peut en sortir de bien, de beau". Shiny Eyed Babies lui donne ses formes à cette tristesse, en saisi la beauté et la change en notes, en mélodies sur lesquelles se superposent nappes de clavier oniriques et intimistes pour ensuite exploser avec ce chant qui vient vibrer dans le cœur, des points d'orgues et de libérations acheminant les morceaux là où nul n'est jamais allé, en des sommets que jamais je n'aurais pensé accessibles. 13 pistes qui n'en forment en vérité qu'une seule, rarement interrompue. 6 musiciens tous talentueux et sachant y faire de leur instruments, mais surtout tout occupés à changer des partitions en sentiments, à capter l'essence de cette chose qui nous habite et nous embête, à tenter d'y apporter une réponse. La bande-son de la déprime donc, qui la rend acceptable, qui permet de vivre avec et de se soulager un peu de celle-ci. Une cabane paumée dans les bois où l'on prend plaisir à s'isoler, s'y sentant paradoxalement moins seul ou du moins l'aimant cette solitude.
Bent Knee a donc donné naissance à mon disque préféré, à la musique m'ayant le plus touché et dont il est presque décourageant de se dire que jamais plus une oeuvre ne me fera vivre pareille émotion. Et toutefois celle-ci persiste à éclore de temps à autre dans le reste de leur discographie, constamment miraculeuse il faut dire, à ce groupe, allant même jusqu'à se retrouver dans certains de leurs travaux solo (le somptueux Growing Pains de leur chanteuse principale Courtney Swain). Il m'est bien difficile de transcrire en mot l'amour que je peux ressentir envers ce disque, abandonnant l'idée de critique pour simplement y déposer quelques pensées à son sujet. Shiny Eyed Babies c'est donc simplement un disque précieux, le plus précieux qui soit, qui accompagne une vie et l'habille de beaux atours, la change en quelque chose de mieux, y égrène des instants de magie