Simulation Theory
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Simulation Theory

Album de Muse (2018)

Après un Drones qui marquait un retour rafraîchissant au rock des débuts, Muse empreinte la voie de l’électro-pop et livre un album qui s’inspire de l’esthétique des films de science-fiction des années 1980.


La démarche aurait pu séduire si le groupe de Matthew Bellamy n’avait pas décidé de le cuisiner à une sauce aussi commerciale. Symptôme déplorable de ce parti pris, « Get up and fight » inquiète sur la capacité du groupe à discerner les limites de ce qu’il est moralement permis de faire lorsqu’on est un groupe d’une telle envergure.


Mais la pop factice de bas-étage contamine même des morceaux qui autrement s’annonçaient plutôt bien. Ainsi, les couplets de « Pressure » sont dignes d’un « Supermassive Black Hole » mais le morceau est ensuite gâché par son refrain d’une fadeur navrante. La volonté de toucher et de faire bouger les foules prend le pas sur le bon goût.


Il n’y a que sur deux morceaux que Muse tient tout du long une ligne expérimentale assumée : « Propaganda » et « Break it to me ». Ces morceaux, pour le coup, marquent un réel renouveau avec leurs sonorités gutturales et métalliques. Cependant, sur ce terrain, le groupe est tout de même dépassé par ses contemporains. Les ficelles de l’effet vocal utilisé sur « Propaganda » sont un peu trop apparentes, tandis que « Break it to me » donne l’impression bizarre que Bellamy tente d’imiter la fulgurance de King Gizzard & the Lizard Wizard.


Ailleurs sur l’album, c’est tout simplement un manque d’inspiration et, disons-le, d’ambition, qui se fait ressentir. Depuis quelques albums, le trio réutilise paresseusement des procédés et des lignes mélodiques déjà entendues ; il le fait plus que jamais sur Simulation Theory. « Dig Down » est une resucée de « Madness », « The Dark Side » rappelle « Uprising »… Et quand le groupe ne recycle pas, il tombe parfois en panne sèche. « Algorithm » nous laisse sur notre faim, le dernier quart du morceau donnant une sensation d’inachevé.


A ce sujet, il est vraiment dommage que le groupe n’ait pas choisi de clôturer l’album par un long morceau d’obédience progressive, comme il le fait d’habitude. « Knights of Cydonia », « Exogenesis: Symphony », « Unsustainable » et « The Globalist » étaient en quelque sorte le clou du spectacle, et savaient nous surprendre voire nous ravir. « The Void » n’est certes pas le morceau le plus dégueu de l’album, et on sent que Muse essaie de lui faire remplir la fonction de ses prédécesseurs, mais il est desservi par sa courte durée et l’inégalité des parties chantées.


La voix de Matthew Bellamy demeure exceptionnelle, forcément. Ses envolées lyriques, toutefois, ne font pas toujours mouche : lorsqu’une mélodie est médiocre, il ne suffit pas d’une voix énergique pour la sauver. Mais sur les morceaux les mieux ficelés, comme le hit « Thought Contagion », cette voix prend tout son corps.


Le batteur Dominic Howard propose des rythmes intéressants qui s’associent bien aux claviers. Ceux-ci, en revanche, n’ont rien de particulièrement remarquables en soi. C’est d’ailleurs surprenant que Matthew Bellamy ne joue par des lignes de synthé plus complexes quand on voit ce qu’il est capable d’accomplir derrière un piano. Et dommage qu’il se contente d’appliquer la recette de « Bliss » pour l’accompagnement de « Blockades »…


En définitive, Simulation Theory est le plus mauvais album de Muse à ce jour. Les morceaux sont au pire atroces, au mieux corrects, mais n’atteignent jamais l’excellence. Les bonnes trouvailles çà et là ne sauvent pas l’album dans son ensemble. Certains choix ne pardonnent pas, et le manque d’inspiration lasse vite.


S’agira-il d’une faute de parcours au sein d’une discographie extrêmement riche, ou de la réorientation profonde d’un groupe en déclin ?

Kantien_Mackenzie
4

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Créée

le 1 déc. 2018

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