Début septembre 2017 les cheveux grisonnants du rock ont eut des bouffées de chaleur à cause de la sortie du nouvel album du groupe américain The National : Sleep Well Beast. L’histoire du groupe est avant tout une histoire de famille. Aaron et Bryce Dessner composent la plupart des morceaux et s’occupent des guitares tandis que la session rythmique est gérée par les frères Devendorf (Bryan à la batterie et Scott à la basse). Mais que serait le groupe sans la voix caverneuse de Matt Berninger, une sorte de Morrisey encore plus déprimé. Tout ce beau monde a fait de The National l’un des groupes favoris des hipsters du monde entier depuis leur premier album en 2001. Depuis une immense aura entoure ce groupe, un nouvel album est donc toujours un événement.
Pas la peine de vous mentir, je n’avais écouté The National par le passé. J’avais pourtant déjà vu le nom du groupe par-ci par-là. Musiques pour Game Of Thrones, idem pour le jeu-vidéo Portal 2 et soutien de la campagne de Barack Obama : chacun ses merdes. J’avais cependant été introduit aux travaux de Bryce Dessner (guitare) grâce au sublime projet Planetarium. Une sorte de super-groupe de musiciens indés. Si Planetarium est à mes yeux l’un des meilleurs albums de l’année, pourquoi ce nouvel album de The National ne pourrait pas en être inspiré. Autant vous dire que je n’ai jamais été aussi perspicace… Je lance l’album, je me perds et me surprends à prendre un pied terrible. Me vient alors cette remarque : The National n’est peut-être pas qu’un groupe pour les quarantenaires en bermudas à La Route du Rock.
Je me moque des hipsters, mais n’oubliez pas que j’en suis un. Pour ce qui est des quarantenaires les pieds dans la boue à St Malo, ce n’est qu’une question de temps. J’aime les bermudas, c’est déjà ça.
Subtil mais pas chiant.
Avec cet album, The National entre dans la catégorie des groupes de grande classe. Ceux qui n’ont pas besoin d’en faire des tonnes pour exister. À première vue, leur musique semble sobre et épurée. C’est le sentiment que transmet la voix de Matt Berninger et les mélodies souvent innocentes des compositions des frères Dessner. Une musique peut-être trop calme pour certain mais pourtant chargée d’une multitudes de détails. The National demande du temps et un minimum d’abandon de soi. Leur musique n’est pas catchy et automatique. La découverte du disque s’enrichit d’écoute en écoute. Une attention récompensée par une production absolument sublime et émouvante.
Grigris électroniques, arrangements subtils et rythmiques en roue libre, les compositions du groupe sont complexes sans jamais paraître lourdes et fatigantes. « I’ll Still Destroy You » est un bel exemple de cette maîtrise. Le morceau se situe entre la petite comptine et la syncope. Au final on a presque le même sentiment que sur le dernier album de Radiohead : simple et classe. « Walk It Back », « Guilty Party » et « Nobody Else Will Be There » sont d’ailleurs des morceaux parfaits pour se vider la tête, se reposer, s’endormir, réfléchir, imaginer, s’évader.
Une fougue délicate.
Rajoutez un peu de fougue dans cette océan de subtilité et vous obtenez des moments absolument dantesques. Le premier à nous frapper en pleine poire est l’entêtant « Day I Die », qui ressemble également à ce que pourrait composer un groupe comme TV on The Radio. Le morceau est tout simplement beau. Deuxième gifle avec l’inoubliable « The System Only Dream in Total Darkness ». Hymne désespéré et pourtant chargé d’une étrange lueur, ce morceau est probablement le plus impactant du disque. Le groupe y livre un moment intense et chargé d’émotions. « Turtleneck » vient quant à lui apporter une rage presque primale à cet album. Un torrent totalement inattendu dans cet océan de douceur.
Sleep Well Beast m’a introduit à la musique de The National de la plus belle des manières. Beau et mémorable cet album est une grande réussite. Il s’agit du septième opus pour The National et ils parviennent toujours à convaincre un nouveau public prêt à plaider pour leur cause : celle de l’amour et de la tristesse. Au final, la musique c’est surtout une histoire de sobriété.
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