Slow Buildings
6.7
Slow Buildings

Album de Pale Saints (1994)

Qu’est-ce qu’ils peuvent être énervants les fans… Certes, c’est eux qui font vivre les groupes en les finançant, en les encourageant. Cependant, c’est aussi à cause d’eux que certaines œuvres traînent des réputations imméritées par rapport à la musique qu’elle renferme.


Slow Buildings n’est pas seulement le pestiféré de la discographie des Pale Saints, c’est également devenu une représentation du déclin du shoegazing anglais. L’équivalent du Carnival of Light de Ride pour prendre l’exemple le plus emblématique. Tout ça, pour une seule raison : parce que Ian Masters avait quitté la bande avant l’écriture de cette ultime sortie. Ce chanteur à la voix unique ne se retrouvant plus dans la démarche qu’avait adoptée son groupe dès leur pourtant merveilleux In Ribbons. Au point de préférer s’envoler vers d’autres aventures.


Voilà pourquoi cet album est traité avec condescendance par les amateurs, au point d’être presque oublié aujourd’hui. Le départ du principal moteur créatif de ces jeunes gens ne pouvant signifier qu’un mauvais disque à oublier rapidement. Attention, ceci est une idée préconçue qui s’est forgée avec les années par des gens refusant de réactiver leur curiosité pour cause d’une trop grande mauvaise foi.


Il y a néanmoins une chose de vraie dans cette histoire, c’est que ce dernier jet est vraiment la sortie la moins remarquable des Pale Saints. Ce n’est pas un chef-d’œuvre à réhabiliter dans cette ère de transition où les meilleurs skeuds du même genre ne manquent pas. Le départ de Ian Masters ayant fait perdre effectivement un petit quelque chose dans leur musique.


Voilà donc ses défauts. On peut parler de ses qualités et rétablir la vérité maintenant ?


Premièrement, Ian Masters n’a jamais été le véritable compositeur du quatuor. Il était sa principale voix et il en incarnait l’esprit expérimental. Toutefois, il ne fut qu’un engrenage dans la machine et pas forcément le plus important. L’écriture des chansons se faisant à plusieurs et jamais en solo.
Deuxièmement, les membres restants se mettent en danger dans leurs compositions en flirtant avec des genres inédits dans leur carrière. Des instrumentaux folk et post-rock (« King Fade » et « Little Gesture ») sont présents et la durée des morceaux explose régulièrement. Ce n’est pas toujours un signe de qualité (« Gesture of a Fear » et « Suggestion » sont pleines de bonnes intentions mais se traînent un poil trop), seulement quand c’est réussi, ça ne l’est pas à moitié (les dix minutes fantastiques de l’épique « Henry »).


Meriel Barham est perpétuellement perçue pour être responsable du (relatif) déclin des compositions. Comme si les fans s’étaient imaginé qu’un putsch avait eu lieu après l’enregistrement de leur second album.
Barham avait tendance à voler la vedette à Masters avec sa voix angélique. Malgré cela, avait-elle réellement envie d’endosser ce rôle de leader qu’elle a accepté finalement ? Son chant est toujours aussi doux mais nettement moins flamboyant qu’avant et surtout, bien plus en retrait. D’ailleurs, elle laisse volontiers les musiciens dialoguer dans de lents instrumentaux et pas forcément sur les pistes les moins bonnes. « Henry » se termine avec une longue outro post-rock à titre d’exemple.


Et si ce n’était pas justement ça le souci ? Slow Buildings ayant beaucoup de bonnes idées, mais soit elles sont allongées inutilement, soit elles sont inachevées. Les chansons pop démontrent que la bande avait encore de très belles ressources mélodiques (l’énergique « Angel » et le cotonneux « Fine Friend ») au point de casser la baraque quand Barham pousse sa voix (le formidable « Under Your Nose »). Tout cela ne restera qu’au stade de fantasme. Cet effort final restant fondamentalement une sympathique manière de terminer sa carrière. La présence de Ian Masters ne l’aurait pas transformé en pièce maîtresse, elle aurait juste permis de raboter ce qui n’allait pas et d'en faire une musique moins bancale.


En définitive, s’il y a bien une personne à pointer du doigt ici, il s’agit plutôt du dissident qui préféra s’en aller plutôt que les gens restants. Masters avait brisé le génie collectif de cette formation et continue d’échapper à sa responsabilité, la faute à des fans aux idées arrêtées.


C’est toujours plus facile de mettre en avant la légende plutôt que les faits. Surtout quand ça en arrange certains.


Chronique consultable sur Forces Parallèles.

Seijitsu
6
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le 4 nov. 2015

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