On peut toujours compter sur l'ami John Dwyer pour ne pas se reposer sur ses lauriers et pour aller explorer de nouveaux territoires musicaux, de plus en plus loin de son garage rock originel - qui reste, et heureusement, son mode d'expression privilégié sur scène, comme sa dernière tournée le prouve magnifiquement. "Smote Reverser", dans sa pochette stéréotypée annonçant heavy metal et ambitions progressives, est un album de… heavy metal progressif ! Mâtiné de décollages jazzy quand même, pour compliquer un peu plus les choses... Et qui ne dédaigne pas de temps en temps faire monter la pression en de magnifiques éructations sauvages, témoignages flamboyants du chemin parcouru.
Qui aime la guitare électrique virtuose sera enchanté, emporté même par les longues, longues digressions - certes inspirées - de Dwyer sur un interminable "Anthemic Agressor". Qui préfère les morceaux plus structurés mais non dénués d'ambition préférera la splendide introduction de l'album, "Sentient Oona" ou la vigueur de "C"... Bref, il y en a pour tous les goûts ici, pourvu que l'on garde l'esprit ouvert et soit prêt à avaler quelques couleuvres : la fureur polyrythmique des batteries de la formation actuelle de Oh Sees (on notera que le "Thee" est passé cette fois à la trappe, ce qui n'inquiétera personne…) reste l'une des meilleures raisons d'embarquer à bord de cette aventure survitaminée, dont le moindre charme n'est pas l'inconscience absolue et la témérité aveugle.
Plus riche en claviers qu'à l'habitude, enrichie par de belles parties vocales féminines, la musique de "Smote Reverser" a en outre un je ne sais quoi de "mieux produit", de "plus lisse et plus fluide" que les albums précédents : peu importe, on sait bien que la rugosité d'antan, un peu oubliée ici, triomphe sur scène, là où le bon esprit de John Dwyer s'épanouit son aise.
On attend donc le prochain album avec impatience, et un soupçon de crainte, légitime, quant à ce que pourrait être la prochaine étape du voyage.
[Critique écrite en 2018]