Quand ce bon vieux Dogg a annoncé en robe de pasteur qu'il allait sortir un album de gospel, tout le monde a cru à la blague sous psychotropes ou à l'accident de communication. Il faut admettre que le motherfucking D-O-double-G, premier consommateur de ganja au monde devant toute la population de la Jamaïque réunie, est habitué aux choix artistiques douteux et s'est livré à toutes les excentricités musicales possibles au gré de son flegme légendaire. Nous offrant le meilleur (son retour salvateur au G-funk des fafa sur Bush ou encore le très chouette EP avec Dam-Funk,7 Days of Funk) comme le pire (sa collab' vulgaire avec David Guetta bonne à faire trémousser des spring-breakers en rut, ou encore son invraisemblable mélasse crypto-reggae Reincarnated), le grand chien à 9 vies a survécu à tout. A un procès pour complicité de meurtre, à la télé-réalité, à Suge Knight, à une paire de skeuds chez les rats de No Limit aux beats de Megadrive aussi pingres que leurs jaquettes sont immondes, aux bides sans appel, et à la trap. Bref, à 50 piges Snoop Dogg c'est une certaine idée de l'indépendance artistique, ou plutôt du "balec' tant que je peux fumer son sac d'herbe à la fin de ma journée et que je peux vendre mon image à tout et n'importe quoi".

Mais trève de suppositions, puisqu'au final, le Doggo a plutôt bien tenu sa promesse un peu débile: à savoir "amener tous mes copains pour faire du gospel ensemble et répandre l'amour sur Terre" pour reprendre à peu près ses propres termes. C'est simple, concis, généreux, et aussi naïf à l'image des poncifs alignés par les titres des chansons (Change the world, Love for god, Sunshine feel good...). Dans l'Amérique de Trump, alors que tous les autres rappeurs jouent la carte de la confrontation hargneuse et des tombereaux d'injures, Snoop Dogg fidèle à lui-même préfère la jouer pasteur babacool bisounours qui veut répandre le peace and love sur Terre. Et j'ai envie de dire, pourquoi pas.
C'est que le monsieur est vraiment généreux en plus. Bible of love, c'est un énorme gâteau à la crême. Fidèle l'esprit rap US qui préfère souvent en faire trop que pas assez, c'est un gros double album -une quinzaine de titres sur chaque galette pour un total de 130mn de musique, rendant sinon impossible du moins épuisante toute tentative de faire un check détaillé du disque morceau par morceau. Et des featuring de partout, parfois obscurs mais aussi poids lourds (B-Slade, Charlie Wilson, ou encore vétérans du gospel telle Patti LaBelle). Snoop Dogg est finalement peu présent dans sa bible. Se contentant de poser un couplet ou une intro ici ou là et participant aux choeurs le reste du temps, il se borne à un rôle de gourou/chef d'orchestre à la George Clinton.

Evidemment le résultat donne de tout sauf du gospel pur et dur. Qu'est-ce que vous croyiez. On a ici un gros melting-pot de titres qui partent un peu dans tous les sens, des tas d'ambiances variées entre gros son west coast, néo-soul au groove pornographique, balades gospel ultra lentes et tournures funk à en faire twerker Bernadette Chirac. Les morceaux de ce long double album ne sont pas tous indispensables (n'est pas All Eyez On Me ou Speakerboxx/The Love Below qui veut) et flirtent tous allègrement avec le kitsch et la débauche de moyens; voyez dans l'esprit un de ces albums de soul surproduite comme il en sortait des tonnes dans les années 90. Bon, ça reste partout de la grosse prod' de qualité, pas de doute là dessus. Cet album colle la banane et s'écoute à fond dans ta caisse en dodelinant de la tête, à l'image du titre conclusif qui résume bien l'esprit débridé de ce Bible of love: le monstrueux single Words are Few, 7 minutes d'une énorme ballade groovy à 60bpm à la D'Angelo avec un basse/batt' impitoyable, un Snoop au flow impérial, et des choeurs qui débordent de partout.

Certes, il est de bon ton à chaque sortie de Snoop de dire que t'façon, ça ne sera jamais mieux que Doggystyle. Et s'il est sans doute trop tard pour que Snoop Dogg échappe au tourment éternel après une vie de gin & juice, il n'empêche que nous autres âmes sur Terre auront, à l'inverse de Dieu, bien trippé sur cette tentative de rédemption.

Biggus-Dickus
7
Écrit par

Créée

le 8 août 2018

Critique lue 192 fois

1 j'aime

Biggus Dickus

Écrit par

Critique lue 192 fois

1

D'autres avis sur Snoop Dogg Presents Bible of Love

Du même critique

Paranormal Activity
Biggus-Dickus
1

Attention. Ce flim n'est pas un flim sur le cyclimse. Merci de vôtre compréhension.

Il est des succès inexplicables. René la Taupe ou Paranormal Activity, c'est du pareil au même. Un film d'épouvante qui ne fait pas peur, c'est comme une comédie pas drôle, un film de gangsters sans...

le 2 juin 2014

12 j'aime

Le Genou de Claire
Biggus-Dickus
3

Et ça papote, ça papote

Ah, Rohmer, sujet d'adoration par la critique depuis toujours, emblême de la lutte des artistes créateurs intimistes contre le cinéma soi-disant impersonnel et industriel des blockbusters forcément...

le 6 août 2014

11 j'aime

12

The Batman
Biggus-Dickus
4

L'Eternel Retour

Peut-on vraiment encore faire des films Batman en 2022? La question se pose, tant cette dernière itération tourne à vide en se reposant sur les acquis, la surface et le vernis de cet univers pourtant...

le 21 mai 2022

10 j'aime

2