L'entrée dans sa trente-troisième année est un cap.
On a beau se penser libre, fort et indépendant mais des symbolismes culturels font tellement partie de nos personnalités qu'on pourrait les croire génétiques et naturels.
2000 ans d'éducation catholique. Pas la peine d'afficher des stigmates, pas besoin de porter une couronne d'épines, le marquage est génétique. L'âge de la mort du Christ est une période sas de sa vie où il semble logique de porter sa croix jusqu'au sommet du Golgotha.
On finira en croix en espérant la résurrection.
AKH a trente-trois ans. Sol Invictus est son Golgotha. Et il n'est pas facile à gravir et cette putain de croix est bien lourde pour Abdel-Hakim, le récemment converti à l'Islam. Rien n'est moins simple que de se débarrasser de sa croix.
La plume devient une arme pour sortir de la brume dépressive où AKH est enfermé. Et la plume d'Akhenaton est acérée et acerbe, plus encore que d’habitude. L'encre est encore plus noire que son âme.
Les textes sont sombres et enténébrés. Le verbe est morose, , anxieux, lugubre, nostalgique, profond et tourmenté. Coup de rétroviseur sur la carrière, les relations avec le rap game, mais ici le jeu est truqué et le préjugé semble la seule règle. L'amitié, les amours, la descendance, la trace, l'empreinte, rien ne semble éclairer la vie de Chill.
Sentenza, la face sombre du 361, a pris le dessus. Il entraîne avec lui ses frères de plumes restés en chien sur le bord de la route du rap français. Veust Lyricist en tête, un talentueux parolier oublié du succès, Dad PPDA que le rap game enterrera après un excellent album solo, bien trop écrit pour se frotter à la varièt' que nous enfile la radio rap, Coloquinte ou encore Sako et bien sûr Lino qui connait lui aussi une véritable traversée du désert.
On remarquera que le frère de toujours, Shurik'n, est quasiment absent de cet opus. Il pose juste sa voix sur le refrain de Une impression. Si ça, ce n'est pas une piste pour mesurer le mal être du chanteur d'IAM…
AKH ne va pas bien
Apothéose mélancolique de l'album, titre phare, cerise sur le gâteau, joyau dans son écrin, le disque se conclut sur un sample de Nino Rota : Mon texte, le savon offre une lecture sombre et dépressive du temps qui passe et de la nostalgie du temps passé.
Mon texte, le savon est bien plus qu'un énième titre de rap, il est un chef d'œuvre du rap français.
C'est album est une perle noire sertie sur une parure d'argent.