Commençons par une anecdote, puisqu'en 2014, Fat White Family fût la grosse surprise de mon Dimanche à Rock En Seine, entre deux Janelle Monaé et La Roux aux shows plus convenus. Leur je m'en foutisme et leur décontraction communicative magnifiaient leur sens du groove, la technique de leur jeu obsessif/agressif et le style Iggy Pop de leur chanteur, Lias Saudi. Sur la plus petite scène du festival, le public était tenu en apnée durant une quarantaine de minutes et j'ai pris mon pied avec eux, le joint de mon voisin aidant. 
Puis arrive leur gros single « Touch The Leather », où dans le clip, Lias se prend pour Gainsbarre tandis que derrière, un de ses potes montre son cul. Reconnaissant le morceau dans le public, un quarantenaire chauve, bedonnant et bien éméché décide de lui aussi, montrer son cul au groupe, comme une réponse ; l'acte salvateur d'un fan. Il baisse son pantalon sous les encouragements et l'air hilare de quelques camarades, tandis que d'autres, qui n'ont rien à foutre là, semblent gênés par ce geste outrageux.
Deux minutes plus tard, un vigile se fraye un passage dans la foule et décide d'embarquer le coupable. Celui-ci ne proteste pas, comme s'il reconnaissait une faute grave. Personne ne proteste. Je tente bien un « Hé oh, non ! Il a rien fait » mais la musique embarque mes bribes de mots puant la bière. Je ne vous cache pas que l’événement a un peu gâché le reste de mon concert. Puis j'y pense encore deux ans plus tard à l'écoute de ce « Songs For Our Mothers ».
Il y a un sentiment de liberté sous-jacent toute l’œuvre naissante de FWF, un sentiment de liberté qui manque beaucoup de nos jours, dans une société où la bien-pensance la régit, par la télévision aussi bien que dans les réseaux sociaux, et cela même chez les mouvement dits dissidents... Cette bien-pensance est représentée par ce vigile un peu crétin ; ne comprenant rien à ce qui se passe mais se sentant obligé d'agir quand même, pour ce qu'il pense être le bien de tous, sûrement sur des ordres d'au-dessus.
Ce vent de liberté se caractérise par des pistes brutes, sans retouches, bien plus longues par rapport au précédent « Champagne Holocaust », où la bande se laisse aller à quelques digressions faussement improvisées, sûrement bâties à force de concerts. Où de rythmes posés, lancinants et hypnotiques, le groupe nous emporte dans une apocalypse de son de grattes, d'effets électriques jubilatoires et de transes aux larsens. Sans oublier les chœurs, aussi profonds qu'éclairants les compositions, poussant nos propres voix intérieures à se délivrer.
Ce vent nous renvoie à la fin des sixties, cette époque que tout les anciens du rock nous vendent comme une apogée, un rêve hédoniste que notre génération aimerait encore connaître, revivre en-dehors de ces murs étouffants du capitalisme. Il nous renvoie aussi à ces groupes punks, des Stooges aux Sex Pistols, dont la subversion manque cruellement de nos jours, au moins sur les plateaux télés. Puis si cette douce subversion faisait son come-back, sans doute qu'elle serait attaquée, sur-analysée, jugée de toutes parts, par les médias, sur les réseaux, par de faux intellectuels de gauche comme de droite, de façon à ce qu'elle retourne directement d'où elle vient.
C'est peut-être mieux en 2016 que des FWF restent dans l'ombre de toute cette masse grouillante. Un titre comme « Goodbye Goebbels » aurait sans doute été mal vu par cette (non-)intelligentsa. Puis bon, disons-le, leur musique n'est pas vraiment calibrée pour les ondes. Ils le disent eux-même et ça se ressent dans leur son : « Nous sommes perdus. Il ne nous reste plus qu'à chanter notre déchéance et danser au son de notre déclin. » Va dire ça au directeur d'NRJ ! Qu'il programme ce rock de damnés et tout ses auditeurs pétris de bons sentiments et de Keen'V risquent de tomber de haut.
Saul Adamczewski est néanmoins un excellent compositeur, il suffit d'écouter la pop psyché de « Hits hits hits » pour pouvoir en juger, du niveau d'un Damon Albarn sous acide. Sans doute que tel les Black Keys, ils pourront appeler quand ils veulent un Danger Mouse (ou autre producteur de renom) pour offrir leur talent à un plus grand public, en perdant aussi une partie. Mais pour l'instant, on n'en est pas là, malgré les nombreuses tensions... ils ont encore toute leur âme et font ce qu'ils ont envie ; jouant avec une boîte à rythmes sur « Satisfied », des synthés sur le single « Whitest Boys on the Beach », des chansons de plages planantes à la Demarco sur « Lebensraum » ou « When Shipman Decides », un peu d'excentricité sur « Tinfoil DeathStar »... les meilleures morceaux étant ces longs blues vaudous et Lynchiens qu'ils instaurent sur « Love is the Crack », « Duce » ou « We Must Learn To Rise ».
« Songs for our Mothers » est une bouffée d'air frais au parfum de défonce et de fin du monde, moins barré que leur premier essai mais plus hypnotique, sombre et délivrant à la fois. L'album me fait penser à cette fille que l'on croise toujours en festival, dont l'ivresse renforce la beauté ; vêtue d'un simple short et d'un soutif', qui semble danser au ralenti, lascivement, les yeux fermés, un sourire béât sur le visage... fille que tu as envie d'aimer, d'aimer jusqu'à la fin de ta vie (qui dans ton état, est juste la fin du festival...) jusqu'à ce qu'elle se mette à te dégueuler dessus.

Strangears - Le blog qui réévalue le mauvais goût musical

Créée

le 28 févr. 2016

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