Sound of Confusion
7.5
Sound of Confusion

Album de Spacemen 3 (1986)

Ce disque est un doigt d’honneur. Un crachat à la gueule d’une époque. L'expression d’un ras le bol général. Sinon, comment expliquer une musique autant en décalage avec son temps ? Car le mitan des années 1980, c’est le déclin créatif de la new wave, la disparition progressive du post-punk et la généralisation à outrance des productions high tech. Froide, parfaite mais également lisse.


Je ne vais pas critiquer cela. On peut aimer tout et son contraire dans une décennie musicale aussi paradoxale que les 80s, tout dépend du fond mais le fond avait tendance à se vider chez certains. C’est pour cette raison que les tumultes seront toujours bénéfiques pour la musique. Car c’est dans les périodes de troubles, de prises de positions radicales que peuvent se produire des accès de créativité.


Oui, Sound of Confusion est un pavé dans la mare comme l’était Psychocandy des Jesus and Mary Chain. Une façon de dire merde à tout ce qui nous entoure, parce que personne ne nous comprend. Et pour bien montrer qu’on les emmerde, on va monter les potards à fond, débrider les amplis et jouer la musique la plus lourde, psychédélique et dense qui existe.


Jason Pierce (alias J. Spaceman) et Peter Kember (Monsieur Sonic Boom) n’étaient pas des frères de sang, mais bien de son. Des jeunes gens dont le seul objectif était de retrouver le radicalisme des ères sombres du Velvet Underground et du krautrock. Amplifier le son des guitares pour écraser tout le monde avec une musique pourtant placide et lente. Les hommes de l’espace « prenaient de la drogue pour faire une musique à écouter en prenant de la drogue » (citation véridique).


Des gens qui aiment profondément leurs idoles (le milieu du disque est même jonché de plusieurs reprises dont une des Stooges et une autre des 13th Floor Elevators), mais on reste éloigné d’une optique de revivalisme sans folie. Ici, on dynamite cet héritage pour l’emmener ailleurs. Le space rock noisy des Spacemen 3 est saturé d’effets, monolithique (le rythme est soutenu et varie peu) et bien entendu lourd. La saturation a pour finalité de libérer les esprits engourdis, de débrider vos sens, c’est une musique physique avant tout. Le son de la confusion.


Oui, cet album est un des premiers jalons de l’ère shoegaze. Une lapalissade qu’on ne peut pas éviter quand on l’aborde. Mais surtout, ce disque est une musique massivement droguée. Absolument pas mélancolique pour un sou comme le seront My Bloody Valentine ou encore Chapterhouse qui étaient les petits protégés du groupe car roadies aux moments des faits (tiens, tiens…). C’est la version hébétée et déchiquetée du psychédélisme des origines. Le coup de massue sur la tête qu’il fallait pour réveiller une partie de la génération X.


Du riff imparable de « Losing Touch with my Mind » au chaos sonore final de « O.D. Catastrophe », il n’y a rien à jeter. Sound of Confusion s’écoute en bloc ou ne s’écoute pas. Et si les deux cerveaux (embrumés par la drogue, cela va de soi) de la bande feront plus varié par la suite, jamais ils ne retrouveront ce son massif, écrasant mais étonnamment rassurant. C’est ce qui rend ce premier album si précieux.


Ne vous faites pas avoir par cette pochette de poseurs. Les lunettes noires ne sont pas là pour faire classe, mais pour dissimuler les yeux explosés par la came. Ceci est une œuvre excessive, jouissive et qui fait date.


Chronique consultable sur Forces Parallèles.

Seijitsu
9
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Créée

le 16 août 2015

Critique lue 140 fois

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Seijitsu

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