Psyché frais
Un bassiste compositeur et chanteur, ça ne court pas les rues, mais en plus de ce calibre déjanté c'est encore plus rare. On a affaire ici à du Beatles psyché super produit progressif à l'ancienne...
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le 17 déc. 2020
1.
Leslie Edward Claypool (1963 - …) est un bassiste à la technique parfaitement synchrone avec un tempérament gentiment frapadingue et plein d'humour. Son amour immodéré pour la marijuana et le vin ne l'a pas empêché de faire partie d'une quantité improbable de projets, dont le plus durable et reconnu fut bien sûr Primus. Presque toujours tête à penser et à jouer des différents groupes dans lesquels il a officié (on oublie donc volontairement dans cette catégorie ses collaborations avec Tom Waits, Metallica, Gov't Mule, Fishbone ou Limp Bizkit), il ne s'était sans aucun doute jamais aperçu à quel point ses compositions, techniques et alambiquées, savantes et à tendances progressives, manquaient peut-être d'une once de folie mélodique pour que sa longue carrière puisse prendre la direction des étoiles.
2.
Sean Taro Ono Lennon (1975 - …) est un guitariste chanteur frappé par la plus terrible des malédictions. Fils d'une des plus grandes figures pop du siècle précédent, rien de tout ce qu'il a entrepris depuis plus de 20 ans n'a pu être jugé à la simple lumière de la qualité réelle de son travail, tant l'ombre tutélaire du père plane sur toutes ses tentatives artistiques, bonnes ou anecdotiques. Se camouflant peu à peu derrière des projets dont le nom dissimulait de plus en plus profondément son envahissant patronyme, Sean ne s'était sans doute jamais aperçu que seule une collaboration avec une excentricité créatrice aussi forte que celle dont il était capable, pouvait lui permettre de percer la voute céleste.
1+ 2.
En 2015, une tournée de commune de Primus, dinosaur Jr. et Ghost of a saber Tooth Tiger permet l'alignement cosmique. Non seulement le Zappa de la basse sympathise avec le zébulon de la pop, mais en plus les deux lascars de se rendre compte que la fin de la tournée correspond à un absence commune de plans pour les mois qui suivent. Plutôt que d'un fâcheux trou noir, la fusion stellaire accouche d'un big bang créatif psychédélique et revigorant. Un premier album Monolith of Phobos (2016) propose un mélange prog-pop psyché enthousiasmant aux paroles bigarrées et croustillantes qui connait un succès d'estime critique et publique. L'année suivante, et pour que personne ne puisse s'y tromper, le duo, qui joue de tous les instruments dans le studio de Les, sort un EP qui affiche les influences du Claypool Lennon Delirium: Atronomy Domine, Boris the Spider, the court of the Crimson King et Satori.
= beaucoup plus que 2 (ou même 3)
Bien entendu, il est aujourd'hui encore toujours assez facile d'être charmé par les barjots. Mais ce qui pourrait ressembler, après une écoute superficielle ou inattentive, à un assemblage hétéroclite ou délicieusement inconséquent cache sous la croute de sa surface un coeur bouillonnant et enivrant à l'extrême. La singularité des deux astres a fusionné en un écosystème totalement viable et novateur dont les promesses ne peuvent raisonnablement pas être contenues dans ce deuxième album, aux parfums à la fois multiples et uniques. Pour se rendre compte de la possibilité de vertige, tenter un saut dans les sept minutes torsadées de Amethyst Realm ou la pop en deux mouvements de Blood and Rockets.
A titre personnel, la meilleure nouvelle musicale de ce début 2019 est bien de savoir que cette galaxie est de nouveau habitée (certes, au sud de sa réalité) par un Lennon vivant et excitant, cadeau aussi inespéré qu'astral. Vous pouvez plonger dans l'éther sans combinaison ou même tout nu, le duo nous avait prévenu dès leur premier album: de toutes façons, il n'y a pas de sous-vêtements dans l'espace.
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Créée
le 8 avr. 2019
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