Spécial
6.4
Spécial

Album de Siboy (2017)

La cover de l’album est orange, l’interprète est noir, et ce, dans les deux sens du terme. Ils ont tous les deux l’âme torturée et l’écriture est pour eux un exutoire. Au niveau sexualité, l’un aime les hommes et l’autre préfère les gros boulards ; les deux le revendiquent. La comparaison entre Channel ORANGE de Franck Ocean et Spécial de Siboy s’arrête ici tant les deux disques sont différents dans les thèmes abordés. Seul point commun et assurément le plus important : ils font de la très bonne musique


Le rappeur Mulhousien d’origine Congolaise (Brazzavile) fait ses classes sur YouTube et opère en tant qu’apprenti boucher sur la chaîne Daymolition dans le cadre de son CAP au cours de l’année 2015. Ainsi, il publie sa première pièce de bœuf, un peu grasse : « O’Yebi » (« J’ai fait de la route depuis O’Yebi » dans le morceau « Ce n’était pas si simple »). Le talent de découpe est quand même présent. Il enchaine alors avec une série de freestyle nommée « KIUBB » mais également avec « Pas de Maladresses », devenu un de ses gimmicks, « Exécution », « Barbarie » ou « Enemy » : que des noms inspirant la joie et l’amour, et non des bains de sang.


Il se fait très vite repéré par le plus grand boucher-charcutier-traiteur du game : Booba. Ainsi, il signe chez 92i le 8 avril 2015 pour un contrat en alternance dans le Vaisseau Mère des Hauts-de-Seine.


Voulant l’intégrer au plus vite dans sa boucherie, Booba convie bon nombre de ses nouvelles recrues à venir l’épauler comme Damso, Benash ou Gato (pour les épices) lors d’un concours culinaire prévu pour le 4 Décembre 2015 rassemblant 3 autres cuistots : Nekfeu, Jul et Rohff.


L’entrée « Zer » est excellente et le menu Nero Némésis remporte sans conteste le cœur des clients. « Siboy se fait sucer par les salopes » et démontre son statut de jeune talent dans l’entreprise. Booba peut alors le former aux techniques secrètes de découpe, et de meurtre.


1ère étape :
14 Octobre 2016.


Adossé dans sa baignoire, cagoule sur la te-tê comme s'il était né avec, couteau à la main. On pourrait facilement croire qu'on lit le scénario du dernier épisode de la saison 4 de Dexter dans lequel le tueur de la Trinité assassine la femme de l'inspecteur Morgan : Rita Bennett. Si je t’ai spoilé, dommage pour toi. Mais une chose est sure : si tu n'as toujours pas vu cette série, tu es très en retard. Voici, « Eliminé ».


13 Janvier 2017.
2ème projet tuteuré pour Siboy. Diffusé sur OKLM Radio, ce son laisse présager un second extrait de son futur album. On se retrouve alors dans une chambre froide. Remplie d’un univers mystique, on entend des hurlements, des cris sauvages et d’innombrables bruits de couteaux. L’atmosphère est complètement violente mais fait assurément ressortir une puissance brute. Voici, « Mula ».


2ème étape :


Le stage se poursuite plutôt bien. Siboy délivre KIUBB4, apparaît dans le projet de son camarade Benash sur le son « Check » et enchaine avec le clip « Au revoir, merci ». Vient ensuite le KIUBB5. C’est à ce moment-là qu’il choisit de dévoiler la cover et la tracklist de son futur menu censé lui permettre de d’assurer son CDI. A la surprise générale, Booba n’est pas sur l’album, et seul 1 des 3 morceaux sortis préalablement figure sur l’album : « Au revoir, merci » dernière track, une révérence annoncée.


« Téléphone » sort alors. Clip à l’esthétique rare et très certainement un des meilleurs de 2017, Siboy est harcelé par la sonnerie de son téléphone et revendique à nouveau sa sélection pour la gente féminine.


3ème étape :
30 juin 2017


C’est un grand jour pour Siboy. Après avoir été formé par Kopp pour devenir un serial killer irrattrapable, il a l’occasion de présenter son menu à la France entière. Les couteaux bien aiguisés et accompagné de commis de qualité, il a bien repéré les lieux de son meurtre et il est prêt à appliquer le code de Harry à la lettre..


Ainsi, après avoir attendu la nuit et pris en filature sa victime dans une ruelle nwar, l’album débute par deux bangers « Bordel » et « Par ici ». Le boucher cherche à effrayer sa victime, réussit et la prend d’entrée à la gorge, sans mauvais jeu de mots. Il n’essaye même pas de cacher sa part de schizophrénie. Il affirme que sa tête est en « désordre », pour ne pas être vulgaire et que tout est « beaucoup trop noir par ici ».


Dans un élan d’humanité, il commence alors à se livrer à la future dépouille sur « BQC ». Produit par Double X, Siboy avoue n’être « bon qu’à faire du sale » et explique les diverses raisons de sa violence. Dans « Un jour », il confesse également le fait d’avoir envie de refaire sa valise pour repartir au bled et de revoir ses proches. Le vœu de quitter la France, très présent dans beaucoup de ses discours, témoigne du fait de son mal être.


Soudain, sa brutalité reprend le dessus dans « Ce n’était pas si simple ». Il se remet alors à maltraiter sa victime, à la torturer mentalement et à jouer avec elle. Il lui rappelle au bon souvenir que devenir un des meilleurs bouchers de France est un parcours ardu, et son attrait pour le sang depuis tout petit.


Il lui explique alors par de grands cris ses rêves de grandeur : cuisiner pour le « Président » ou devenir une sorte d’ « Al Pacino ». Produit par le talentueux Soulayman Beats et The Bone Collector, ce morceau faisant référence au caïd de « Scarface » est certainement un des plus réussis de l’album. Il laisse notamment entrevoir toute la mélancolie de Siboy, contraint de commettre tous ces meurtres pour exister.


C’est alors que son ton plus enjoué refait surface. Deux morceaux : « Spécial » et « Déterminé », plus doux et pas forcément les meilleurs, prennent le relais dans le discours de Siboy. Il y explique que son côté lunatique est certainement causé par son addiction à la drogue : l’herbe et la lean, et que la situation actuelle de l’Afrique le dérange au plus haut point.


sonnerie de « Téléphone » Siboy est dérangé en plein meurtre. « Ne pas laisser de traces » est pourtant imposé dans le code d’Harry. Il pose alors son couteau et décroche son bigo. La victime ne comprend pas trop ce qui est en train de se passer et voit son futur meurtrier s’embrouiller au téléphone. Avec qui ? Telle est la question. Une meuf ? Ou alors a-t-il demandé de l’aide pour faire disparaître tout acte de présence.


Une voiture, feux chromés, débarque alors dans la ruelle sombre et ses deux occupants en sortent immédiatement. Siboy a fait appel à ses deux camarades de classe Damso et Benash pour « Mobali ». Couplet exceptionnel du Dems, refrain efficace, Benash qui confirme le fait que l’écouter chanter est beaucoup plus agréable que l'entendre rapper : un hit en puissance.


Après avoir parfaitement effacé toutes les empreintes digitales des lieux du futur crime, Siboy pète un joint de beuh (« JDB » pour les intimes) bien gé-char et explique que « La nuit » est faite pour régler tous les ennuis : en l’occurrence, soigner ses problèmes mentaux.


Ainsi, l’homme à la cagoule commet son meurtre, assène un coup plein de force et d’énergie au niveau de la jugulaire et quitte la scène de façon presque insolente en prononçant simplement ces 3 mots : « Au revoir, merci », une sorte de remerciement pour sa victime qui aura permis à Siboy de confier ses démons avant de l’abattre froidement.


Il peut tranquillement déposer une goutte de sang sur sa lame de microscope avant de la ranger dans sa boîte, cachée chez lui dans le circuit de ventilation.


Siboy décroche donc son diplôme. Au cours d’une épreuve remplie de violence et d’énergie, il a su montrer un grand cœur dans des moments teintés de variété française. On a hâte de découvrir son prochain stage

Hugz_Calleti
7
Écrit par

Cet utilisateur l'a également ajouté à sa liste sur écoute

Créée

le 31 oct. 2017

Critique lue 477 fois

1 j'aime

1 commentaire

Hugz_Calleti

Écrit par

Critique lue 477 fois

1
1

D'autres avis sur Spécial

Spécial
ChatDeMontaigne
4

Critique de Spécial par ChatDeMontaigne

Chaque homme, en naissant, est accompagné d'un monstre. Tandis ce que la plupart cherche à le tuer, Siboy lui fait l'amour... Mais vu la sécheresse du projet, je me demande s'il est pas stérile.

le 11 juil. 2017

8 j'aime

3

Spécial
Hugz_Calleti
7

Boucher au Grand Coeur

La cover de l’album est orange, l’interprète est noir, et ce, dans les deux sens du terme. Ils ont tous les deux l’âme torturée et l’écriture est pour eux un exutoire. Au niveau sexualité, l’un aime...

le 31 oct. 2017

1 j'aime

1

Du même critique

Dieu bénisse Supersound, Vol. 3 (EP)
Hugz_Calleti
7

Porteur du médaillon magique

Ça y est, vous l’attendiez, après quelques mois d’attentes, Sneazzy est de retour avec la saison 3 de sa série Dieu Bénisse Super Sound. Après avoir ravi les spectateurs durant deux saisons entières,...

le 19 nov. 2017

2 j'aime

2

NSMLM
Hugz_Calleti
7

Prince de la Ville

Rappeur originaire d'Antibes, Infinit est un rappeur opérant depuis les années 2007 au sein du collectif D'en Bas Fondation, ou DBF pour les intimes. Composé de rappeurs, de beatmakers et...

le 31 oct. 2017

2 j'aime

La Vie Augmente, Vol.1 (EP)
Hugz_Calleti
8

Sombre Bruxellois à Coeur ouvert

À l’heure où la scène musicale Belge, portée par un Damso devenu en très peu de temps une tête d’affiche du rap français que l’on devrait appeler maintenant rap francophone, explose. Une nuée de...

le 19 nov. 2017

2 j'aime