Cela parait évident quand on y pense, mais on oublie souvent qu'un album ne peut pas être un chef d’œuvre sans le son adéquat, même si les chansons en elles-mêmes sont géniales.
L'exemple typique qui pourrait être un bon sujet de thèse est le Nevermind de Nirvana. Ce disque aurait pu être effectivement le chef d’œuvre des 90s qu'on proclame un peu partout depuis sa sortie, si les quelques titres bouche trou avaient été virés ET si Steve Albini s'était chargé de la production ! Son mixage pertinent étant nettement plus proche des ambitions de Kurt Cobain que le son FM (et qui n'a pas si bien vieilli que ça) de Butch Vig.
Dans un tout autre genre, Lush a aussi souffert de ce travers avec son premier album Spooky. Rien ne prévoyait pourtant ce (relatif) faux départ. Lush commence à se faire connaitre via ses excellents premiers EPs (tous regroupés sur la compilation Gala) et l'un d'entre eux (Mad Love) sera produit par le futur producteur de Spooky: Robin Guthrie des séminaux Cocteau Twins ! Excusez du peu.
Malheureusement, Robin a une fâcheuse manie: il mixe exactement comme avec son groupe. Le son de Spooky pouvait être un futur album des Jumeaux Cocteau qu'on y aurait vu que du feu en 1992 !
Heureusement, ce qui fait de ce premier jet un (très) bon disque, c'est les qualités musicales et la personnalité du quatuor. Comme Lush pratique la parité, le groupe est composé de deux hommes et deux femmes. Les deux mâles sont la force instrumentale du combo et les deux jeunes filles s'occupent du chant. Et c'est là où Lush bluffe, car les harmonies vocales sont ultra-travaillées et incroyablement belles. Célestes et virginales, les lignes de chant d'Emma Anderson et de Miki Berenyi (une très jolie Eurasienne et pourtant je ne raffole pas des cheveux rouges) nous envoûtent sans difficulté.
Cela rend d'autant plus regrettable que le son ne soit pas vraiment adapté au contenu. A force de faire dans l'éthéré, on perd en puissance et certains titres pourtant pas si mal, en souffrent (notamment "Ocean").
Spooky est en quelque sorte un classique bancal. Contenant aussi bien de l'extraordinaire ("Nothing Natural" et sa basse imparable, le furibard "Superblast!" ou le gracieux "Monochrome") que de l'anodin ("Covert" et "Fantasy").
Cependant, Lush saura apprendre de ses erreurs et prouvera par la suite, qu'ils n'étaient pas une simple copie des Cocteau Twins en version shoegazing...
Chronique consultable sur Forces Parallèles.