Et le drug dance rock fut…
Manchester était une ville typique du nord de l’Angleterre dans les années 1980 : grise et d’une tristesse à en mourir. Un ancien vestige de l’ère industrielle. Vague souvenir d’une période...
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le 20 oct. 2015
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Difficile de présenter un groupe aussi unique, barré et drogué, surtout drogué, que les Happy Mondays... Originaires de différentes banlieues de Manchester (principalement Bolton et Salford), le groupe est axé autour du duo des frères Ryder : Paul à la basse, et Shaun au chant. A eux s'ajoutent un jeune voisin de leur grand-mère à la batterie, Gary "Gaz" Wheelan; Paul Davis aux clavier, Mark Day aux guitares et puis, bien sûr, Mark "Bez" Berry à la... bonne humeur. Si le groupe est un quintette post-punk classique comme il en sort des dizaines à Manchester au début des années 80, ils font venir leur pote Bez lors de leur deuxième ou troisième concert sur scène : ce dernier, éternellement défoncé, se met à danser de manière frénétique, une paire de maracas dans chaque mains, le regard perdu dans le vide en affichant un grand sourire béat. Musicalement donc, Bez ne sert absolument à rien, sinon à donner une image au groupe.
Car lorsque les Mondays débarquent sur la scène locale en 1982/83, ils n'ont justement aucune image. Ce sont des "scallys", des espèces de racailles de banlieue bien fringués et fans de foot (Gaz a bien failli devenir joueur en National League, avant de finalement se blesser et se concentrer à fond sur ses fûts). Plus escrocs que musiciens, Shaun et Bez sont également connus pour être des petits trafiquants de drogue de bas-étage. Cela étant dit, ils ont parmi leurs clients le célèbre, l'illustre Tony Wilson, le présentateur le plus connu de Granada TV et également boss du label Factory, maison mère de Joy Division/New Order et du club Haçienda. En jouant de leurs relations, Shaun et Bez parviennent à gagner un "Battle Of The Bands" à l'Haçienda en fin d'année 83, et se font signer sur Factory après l'impulsion de Mike Pickering, sorte de directeur artistique de Factory et de l'Haç. Rapidement, ils enregistrent une paire de singles, se font peu-à-peu connaître en Angleterre et enregistrent leur première Peel Sessions en avril 1986.
Le pays entier découvre alors un groupe un peu en marge de tout ce qui se fait alors, proposant une musique pour le moins originale. Si ils sonnent vaguement comme les Smiths en terme de production (les basses rondes, les guitares qui carillonnent, les batteries pleines de reverb), ils sont musicalement à la croisée entre Talking Heads (pour leur côté funk blanc), Joy Division (pour leur côté mélancolique et froid) et un côté lo-fi sale qui va les suivre partout jusqu’à leur troisième album quelques années plus tard. Leur musique se veut comme une représentation assez fidèle de Manchester à la même époque : des gens qui font la fête dans un écrin gris, sale et crasseux.
En fin d'année 1986, les Mondays entrent aux studios Fire House de Londres. But : enregistrer et produire leur premier album, supervisé par, tenez vous bien, l'ex Velvet Underground lui-même, John Cale. Shaun et sa bande de petites frappes se frottent les mains, pensant que la réputation de drogués des membres du Velvet leur permettra de partager leurs connaissances (déjà bien larges) en matière de drogue avec leur producteur. Monumentale erreur ! A l'époque, Cale sort de cure de désintox et se shoote aux vitamines B et aux quartiers de mandarines... L'album se voit rapidement plié, Cale enregistrant le groupe quasiment en live, ne faisant que très peu d'overdubs. Il met en valeur le son carillonnant des guitares et bien rond des basses, sans trop noyer le son général dans la reverb. Le chant, ou plutôt, les cris, de Shaun Ryder restent encore assez vaguement travaillé, alors que ce dernier raconte des histoires assez abracadabrantesque sur son entourage...
L'album sort finalement en avril 1987 et porte l'un des noms les plus longs que l'histoire du rock n'ait connu : Squirrel and G-Man Twenty Four Hour Party People Plastic Face Carn't Smile (White Out). Ce titre est en fait extrait des paroles du déjà tube "24 Hours Party People", qui voit le groupe connaître son premier succès d'estime dans son propre pays. Le reste du disque est composé de neuf autres pistes, alliant toujours ce savant mélange de funk lunaire et de mélancolie toute "Manchesterienne". On se rends vite compte que ce sont les lignes de basses de Paul Ryder qui font tout le sel de la musique du groupe : impossible de passer à côté de titres aussi bien arrangés que "Kuff Dam", "Tart Tart", "Oasis" ou "Little Matchstick Owen". Le disque se termine avec un titre qui aurait trés bien pu apparaître sur le The Queen Is Dead de leurs voisins des Smiths, tellement le son est un émule des productions de Johnny Marr, la dimension arabisante psyché des guitares en plus.
De manière générale, ce Squirrel & G Man a beau sonner parfois un peu cheap, force est de constater que c'est l'un des meilleurs disques mancuniens des années 80. Les Happy Mondays, pas encore trop corrompus par la drogue ni par l'acid house (qui arrive déjà peu à peu à s'inflitrer en ville en cette année 87) délivrent un post-punk barré qui reste encore à ce jour à des lieues de ce qui peut se faire en termes de rock. Le seul autre groupe qui se rapproche un tant soi peu (par ses influences funk et son chant "horrible") serait les autres mancuniens de The Fall, quoique ces derniers n'ont pas la prétention ni la folie des Mondays. D'ailleurs, cette comparaison se perdra bien vite quand la bande aux Ryder sortira Bummed l'année suivante, et surtout Pills'n'Thrills And Bellyaches en 1990...
Avis aux fans de new-wave bizarre, ce disque est pour vous !
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Créée
le 15 déc. 2019
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