Harold Sees Dragons
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le 18 juin 2014
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Bande-originale de Michael Giacchino (2016)
Ce dernier Star Trek marque la 3ème BO de Michael Giacchino pour la franchise, ce qui en fait le compositeur qui y a le plus contribué avec Jerry Goldsmith ! Même si JJ Abrams n’a pas pu réaliser cet opus (puisqu’il s’occupait alors de Star Wars VII), on reste musicalement dans la même lignée.
Déjà, cette BO, et par extension les 3 de la série des Abrams, possèdent un double héritage ; déjà celui de la franchise (Star Trek c’est quand même à l’origine une série de 1966 (50 ans !), et par la suite 10 films, et 6 autres séries !) : musicalement, y’avait de très belles choses, entre Jerry Goldsmith, James Horner, et autres, y’a quand même quelques heures de musique. Et surtout l’héritage du genre, celui du space-opéra ! Et là, on ne peut pas ne pas citer la référence absolue du genre qu’est Star Wars, car à la sortie du premier, le space-opéra s’est définit non seulement par le cadre et l’univers visuel, mais aussi, et même surtout par le style de sa musique et son utilisation quasi-permanente !
Ce qui fait qu’on va retrouver des codes marquants dont il est très délicat de s’affranchir si on veut coller au genre, à la thématique tout simplement : pour ne relever que ça, des cuivres et des percussions proéminents, efficaces pour ce côté démonstratif, comment passer à côté des trompettes et des cors pour retranscrire cet engouement pour le voyage spatial et l’aventure ^^
On est dans l’héritage de Star Wars, mais avec une belle divergence quand même ^^ ; rien qu’au niveau de l’action, même si visuellement, avec ces batailles spatiales dans les couloirs de l’Enterprise, les plans extérieurs des vaisseaux, les échanges de tirs, on est quasiment face à du Star Wars - pour les derniers, je parle - musicalement, il y a toujours une volonté de s’en démarquer.
Déjà, Giacchino est loin de vouloir faire du Williams, avec des éléments et des enchaînements très rapides, qui masqueront la structure par leur irrégularité pour créer de la tension, mais au contraire des éléments plus longs qui vont s’inscrire dans la dynamique (on sera à la limite plus proche d’un Jason Bourne, pour vous donner une idée). Giacchino persévère dans son style, et il a bien raison, parce que c’est le meilleur moyen de donner une véritable identité à ses BO.
Il va chercher une évolution harmonique à la fois classique/tonale et moderne : il est loin d’être le seul à le faire, quasiment tous les compositeurs de formation « classique » recherchent ça, mais Giacchino va vraiment amplifier l’effet de ces changements harmoniques. Par exemple, il utilise souvent des accords comportant des notes étrangères par rapport à la tonalité, sans forcément créer de modulations, qui du coup créent un enchaînement particulier qui va sonner de manière assez éloquente : et bien il va tout faire orchestralement pour lui donner le plus de force possible (le « degré napolitain » du thème principal qu'on entend bien à la fin de "Hitting the Saucer A Little Hard", lors du requiem pour l'Enterprise !)..
C’est aussi amplifié par une certaine rondeur dans l’orchestration, c’est-à-dire une répartition des notes entre les différents instruments qui donne plus d’ampleur et de profondeur, presque de résonnance et de reverbération, c’est plus facile avec des accords « simples » à 3 sons : il va donner de la fluidité à sa mélodie qui sera à la fois suave mais aussi imprévisible puisqu’elle suivra l’évolution harmonique un peu inattendue : ça s’entend très bien dans le nouveau thème de l’Humanisme qu’on peut entendre lorsqu’ils arrivent à la base, et dans l’épilogue ("Night on the Yorktown" ou "Par tay for the Course"). Mais par contre, lorsqu’il va rechercher cette fois des dissonances, de la même manière, il va également les mettre le plus en avant possible, c’est vraiment flagrant pour tous ce qui est des cordes, et en particulier les violons ("Cater Krall In Zero G").
Les musiques d’action, par exemple, sont souvent construites sur le même modèle : une structure de fond claire, le plus souvent des ostinatos aux cordes ("A Swarm Reception", ...). Ils forment une ligne directrice qui peut durer assez longtemps, et qui est assez confortable pour y déposer la mélodie, puis ajouter le soutien des percus, de la harpe et des bois pour donner de la consistance au morceau.
Cette BO est essentiellement basée sur des variations des anciens thèmes, c’est-à-dire le thème principal de James T. Kirk (ou de l'Enterprise, ou Starfleet, c'est selon ^^), ainsi que tous les motifs secondaires qui l’accompagnent dans cette tuerie absolue qu’est le "Star Trek Main Theme", qui date donc du premier Star Trek d’Abrams en 2009. Mais les leitmotivs sont assez fins et pertinents, puisqu’ils sont parfois méconnaissables !
Mais dans l’enchaînement des éléments, on sent comme une forme de maîtrise (de retenue, c’est un peu fort ^^) : c’est très propre comme travail, c’est impeccable, mais on n’a pas cette étincelle de génie qui anime la musique et lui donne vie comme le ferait un Williams, un Hermann ou un Poledouris ; après, faut pas demander la Lune, non plus, ça reste très bon, quand même ^^ D'autant plus qu'on retrouve quand même de belles fulgurances tout au long de la BO : le fameux requiem pour l’Enterprise à la fin de "Hitting the Saucer A Little Hard", ou encore le calme avant la tempête dans la nébuleuse ("The Dance of the Nebula"), avec de la harpe et du piano pendant le plan extérieur qui sonne presque Interstellar ! Je pense que c’est aussi un petit hommage au tout premier Star Trek avec les musiques contemplatives de Goldsmith.
Mais dans cette BO, on essaie aussi de se démarquer justement des premiers Star Trek, et par extension aussi du genre space-opéra tel qu’il est défini dans Star Wars, qui se caractérise par une très grande abondance et importance de la musique. Ici, même si on retrouve quand même à de nombreux moments des leitmotivs bien valorisés, on n’a pas la même alchimie ni la même omniprésence de la musique que dans un space-opéra façon Star Wars. Ça peut s’expliquer déjà par un choix, celui d’avoir une musique qui va et vient de manière feutré, et qui ne surgit qu’aux moments les plus poignants, mais aussi ça peut s’expliquer par le rythme du film.
Par exemple, dans Star Trek I, on retrouve énormément de passages sans musique, elle est très loin d’être omniprésente, mais il y a quand même un effet space-opéra, parce que quand elle est là, elle est au tout premier plan. Toutes ces longueurs qu’on pouvait retrouver dans les premiers Star Wars et Star Trek, ben en réalité, n’étaient pas des longueurs, mais des choix conscients de mise en scène, où la musique allait s’exprimer et conter une partie de l’histoire à sa manière (retranscrire la découverte) ! Par exemple, lorsque Kirk redécouvre l’USS Enterprise alors que nous, spectateurs, le découvrions pour la première fois au cinéma, il fait le tour avec sa navette et on voit le vaisseau sous tous les angles pendant 4min30 … 4min30 où il ne se passe absolument rien, avec juste la musique de Goldsmith ! Aujourd’hui, ce serait absolument inconcevable même avec de la musique, le rythme est beaucoup plus rapide, si la musique possède déjà 20 voire 30 secondes pour elle seule, c’est déjà énorme ! Même l'entrée dans la base de Yorktown, avec 1min30, mais c’est déjà musicalement un peu moins mis en avant et visuellement plus rythmé ^^ Aujourd’hui, on a une dynamique plus rapide, surtout avec Abrams, qui adopte un rythme assez effréné dans ces Star Trek (et donc dans Star Wars VII, d’où une musique légèrement plus en retrait), avec un aspect sonore beaucoup plus enrichi au niveau des moteurs, des tirs, des effets qu’il y a 30 ans; Donc, c’est normal qu’il reconsidère ses choix en matière d’accompagnement sonore, et qu’il redéfinisse à sa manière le soutien musical d’un space-opéra.
Déjà, le ton du film gagne en vitalité, il y a davantage d’humour, un côté plus décalé et moderne, en un sens (parce qu’ici c’est bien géré, hein, des films qui font ça juste par raccolage, y’en a une chiée, et c’est déjà nettement plus insupportable ^^). Ici, les musiques pop-rock s’intègrent très bien dans le métrage, et on prend plaisir à les entendre, et on ne soupire pas en se disant « et alleeeeez, c’est parti … ».
Et dans cette optique, Giacchino a fait fort car il a quand même donné à ces nouveaux Star Trek des couleurs propres à travers pas mal de points : il conserve ce style démonstratif qui sert bien le film, avec par exemple une gestion des chœurs assez originale, qui contribue à la diversité des timbres et ajoute noblesse et ampleur, et qui rejoint ce qu’on a dit sur le style de Giacchino : tantôt les chœurs contribue à cette rondeur de l’orchestre, avec des apparitions très feutrées et à peine remarquable, ou bien peuvent carrément se montrer agressifs avec un style dissonant, et littéralement nous balancer les notes à la gueule ("The Kronos Wartet", une autre tuerie ^^).
A noter également cette trouvaille concernant les tuttis piqués. Alors les tutti, vous savez, c’est juste le fait d’utiliser une grande partie des instruments, donner une impression de masse sonore, et piqué, c’est assez clair c’est lorsqu’on va jouer les notes sèchement. Au lieu de ça (exemple) joué par tout un orchestre. On le retrouve très souvent ici pour donner de la vitalité. C’est assez courant comme procédé, en soi, mais par contre, il va utiliser des percussions assez spécifiques comme les cymbales, la caisse claire, les enclumes, et même des chœurs pour soutenir la note.
"Crash Decisions".
Bon, après par moments, dans cette BO, on est parfois à la limite du bourrin, mais ça reste plaisant. Après, bourrin, c’est sans finesse, ce qui, pour Star Trek, n’est quand même pas vrai. L’aspect percussif est assez soigné justement pour éviter de tomber dans le bourrinage pur, prenez les rimshots du thème principal par exemple, ces pulsations de baguettes de batterie contre le bord d’une caisse claire, c’est tout simple et en même temps super bien pensé et suffisamment atypique pour marquer durablement.
Dans cette BO, de Star Trek Sans Limites, on retrouve également pas mal d’autres codes plus généraux, qui eux tendent vers le cliché, comme, vous êtes habités, la pianite aigüe ^^ Elle est de retour, mais fort heureusement, là, ça passe bien : parce que c’est au début et à la fin du film, déjà, ça nous tombe pas dessus pendant un climax où, pouf, on s'éprend d'une sensibilité soudaine, et surtout ça donne une dimension inattendue aux personnages, ou plutôt ça donne une dimension à des personnages inattendus. En effet, on s’intéresse à ce moment-là à tout l’équipage, à tous les Jean-Jacques, qui habituellement, sont justes là pour crever à la place de la Dream Team ^^ C’était également très bien fait dans Into Darkness, lorsque le couple rend visite à son enfant malade ("London Calling"), avec par la suite une reprise aux cors et aux violons plus dramatiques, c’était excellent !
Ce qui m’a davantage marqué dans ce film par rapport au 2 autres - après, c’est peut-être juste une impression – c’est cette abondance de points de synchro que j’appelle « charnière », c’est-à-dire qui vont adoucir, insister ou mettre en valeur les transitions entre les scènes voir les plans, et qui peuvent donner du rythme au film : donc ils marquent normalement un changement tant dans le film que la musique. Ils sont à différencier des points de synchro « d’agrément », qui ne servent qu’à mettre en valeur une action ou un élément précis et ponctuel, au cours du développement du film et de la musique. Et bien dans ce Star Trek – Sans Limites, même si on retrouve beaucoup de points de synchros d’agrément, on retiendra surtout les points de synchro charnières, car à 2 ou 3 moments, on aura une reprise de l’ostinato principal du thème tout en crescendo jusqu’à s’arrêter complètement avant le thème pile au moment du changement de plan. C’est assez intelligent parce que d’une part, ça donne du dynamisme au film et permet d’enchaîner assez efficacement sur la suite, mais surtout, on attend justement cette reprise grandiose du thème principal, on attend cette envolée épique, et quand elle arrive, elle est très bien mise en valeur - tant par le film que la musique.
Mais voilà, tout ça pour dire que cette BO ne fait pas partie de celles qui ne jurent que par leur thème principal : elles comportent bien d’autres richesses, mais est partagée entre une forme de classicisme et d’originalité. Le thème de Krall ou le thème de Jaylah, tous les 2 nouveaux en sont des exemples, efficaces, joliment repris et variés tout au long du film, mais pas non plus extraordinaires ^^ En tout cas, ces 3 Bo possèdent un côté assez hybride, en fin de compte, entre le classicisme et l’originalité, et par conséquent les rendent assez atypiques, donc en soi, l’objectif de leur donner une identité propre est plus que réussi ! Et avec ce "Sans Limites", on a droit une nouvelle fois à une très bonne BO de Michael Giacchino !
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Voici le lien vers le "Boost" où j'en parle : https://www.youtube.com/watch?v=ewsKbc5TENg
Créée
le 11 sept. 2016
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