We need to talk about rock'n'roll... Qui en ce début 2018 ne semble plus guère intéresser personne de sensé, et qui dépérit à force de nostalgie, de célébrations et de redites. Mais qui, on le sent, pourrait renaître pour un rien, et revenir faire un (dernier ?) tour de piste, rutilant sous ses beaux atours pailletés, et grimaçant comme l'acteur cabotin et narcissiste qu'il n'a jamais cessé d'être. Il suffit juste d'ailleurs, pour que nous y croyions à nouveau, de quatre américains, presque encore adolescents, qui montent au front pour célébrer leur ville pourrie ("I Love LA", tu parles...), armés seulement de leurs névroses et de leur vénération pour une jeunesse d'une époque mieux lotie que la leur : car des Runaways à X, Los Angeles fut jadis et pour un temps une ville rock'n'roll, et Starcrawler en a tiré les conclusions qui s'imposent. En premier, laisser parler son coeur, sans trop se préoccuper du reste, ni des modes qui jouent contre un tel groupe, ni de la hype sans doute passagère qui accompagnera forcément une telle incandescence scénique et l'apparition d'une frontwoman aussi singulière que Arrow de Wilde : entre la classe de Patti Smith, l'animalité dérangée de QueenAdreena, l'élégance hébétée de Johnny Thunders et le théâtre parodique d'Alice Cooper, Arrow réussit le prodige d'exister en dépit de son anorexie, qui attire forcément les regards pour de mauvaises raisons.
Il suffit donc de poser sur sa platine, vinyle de préférence, le premier album de "Starcrawler", produit avec une légèreté et une élégance bien venues par Ryan Adams, pour qu'affluent des sensations à demi oubliées depuis la fin des années 70 (Punk Rock, quand tu nous tient...). Un riff repris de chez Queens of the Stone Age, un titre parfait ("Train") depuis que Johnny Cash existe, une chanson en dessous des deux minutes, on frise l'extase. Et rien dans le reste de cet album sans fautes, n'atteignant pas la cote des 30 minutes, ne viendra contredire cette bonne impression : il y a ici les mélodies facilement mémorisables, les riffs saturés, les solos de guitare hystériques, le jeu des voix masculine et féminine qui se répondent, les éternels stéréotypes du Rock'n'Roll qui nous font tellement de bien. Et il y a même, au milieu de cette éjaculation précoce une chanson plus lourde, "Chicken Woman", qui laisse entendre que ce groupe aurait peut-être, derrière le fun et la provocation, de la "substance".
Mais pour ça, on verra la suite, s'il y en a une. Non pas que cela ait la moindre importance, en fait ! Car, plutôt que de nous préoccuper de la survie du Rock, allons plutôt nous amuser à éviter les crachats de faux sang d'Arrow et porter à bouts de bras les slammers la prochaine fois que Starcrawler passera donner un concert près de chez nous !
[Critique écrite en 2018]