Toujours en galère

A$AP Mob tente visiblement de prendre possession de 2017. Un mois après l'album de Twelvvy, quelques jours avant la deuxième compilation Cozy Tapes de tout le collectif, le Trap Lord A$AP Ferg balance la mixtape Still Striving. Faisant suite au vu de son titre à son album Always $trive And Prosper sorti l'année dernière, le projet permet à Ferg de revenir sur son terrain de prédilection en invitant beaucoup (trop) de monde. Il s'agit donc pour Ferg de montrer, après avoir vacillé dans des chemins presque pop (pas faits pour lui), qu'il est encore capable de produire des bangers trap en haute quantité. Sur ce point là le contrat est rempli. Mais quantité et qualité sont rarement synonymes.

Les deux premiers morceaux, avec respectivement Meek Mill et Cam'Ron (la classe), donnent un excellent tremplin de départ pour un projet comme celui-ci. Refrains accrocheurs, prods au top (qui se prolongent presque d'un morceau sur l'autre), Ferg et son invité ont une alchimie indéniable dans laquelle on se laisse aisément entraîner.

Malheureusement cette alchimie se retrouve de moins en moins dans les morceaux suivants, pour atteindre un fond critique avec Mad Man et un couplet absolument vide (de paroles, de flow, d'énergie, tout ce que vous voulez) de Playboi Carti. Dans tous les morceaux précédents donc, les prods sont au top, Ferg délivre des refrains addictifs... mais les couplets des guests sonnent comme des freestyles qu'ils auraient fait dans leur coin à partir du morceau de Ferg. Ils s'adaptent bien à la prod, leurs couplets sont pas excécrables (Playboi Carti je te quitte pas des yeux je sais vraiment pas ce que tu foutais là), mais c'est extrêmement difficile de voir quel est leur apport au projet entier.

S'en suit une des rares pistes sans guests, Plain Jane, qui rend hommage à un vieux morceau de hiphop. Sympa.
Nasty, avec Migos, est passable mais difficile pour moi d'y revenir régulièrement, sa longueur et son refrain autotuné m'irritent franchement.

On arrive à nouveau dans une zone de haute turbulence (mélioratif dans ce contexte). L'enchaînement du remix de Mattress, de One Night Savage et du remix d'East Coast est brillant. Le remix de Mattress est le morceau le plus actuel du projet, les deux dialogues Rocky/Ferg et Dex/Rich sont magistraux, la prod est variante, vibrante, puissante... top tier trap. Celui d'East Coast acceuille des géants comme Busta Rhymes, Rocky, Rick Ross, Snoop Dogg (qui y représente la West Coast (évidemment)) et French Montana. Au delà de ce dernier qui foire royalement son couplet, ils délivrent tous une partie maîtrisée, entraînante, énergique. Capacité de replay extrêmement élevée.

Ferg termine le projet sur deux tracks en solo, Nandos puis Tango. Après l'enchaînement de hauts et de bas qu'on subit jusque là c'est difficile de les juger objectivement. Surtout que Tango prend de la distance, permet au Trap Lord de développer une petite introspection, on en apprend pas mal sur son rapport à Yams (le défunt leader spirituel de la Mob), c'est intéressant même s'il ne semble pas vraiment avoir sa place ici. Mais Nandos, qui le précède, sonne particulièrement plat et générique aussi loin dans l'album. Dommage.

Bilan, avec ses irrégularités, la mixtape a du mal à convaincre. La recette marche parfois, quelques morceaux invitent à la réécoute, ce à quoi on se plie de bon coeur. Mais ça s'arrête là. Le monde du rap va à priori trop vite pour Ferg, qui invite des jeunots de 2017 comme on invitait les plus grands il ya encore quelques années (preuve en est la puissance de Rubber Band Man comparé à Coach Cartier ou Aww Yeah par exemple). Résultat c'est un projet ni en retard ni en avance, mais qui a quand même du mal à être à l'heure.