Il n’y a rien de pire que des artistes qui se prennent trop au sérieux.
Ce n’est pas que ce soit le cas des Jesus and Mary Chain. Mais on sent bien qu’ils ont toujours cherché à faire en sorte qu’on ne puisse pas remettre en cause leur crédibilité, malgré leur attitude fanfaronne. Les frères Reid ont bel et bien un complexe d’infériorité et on l’avait soupçonné dès la parution de leur mythique Darklands. Pourquoi changer d’optique en chassant le bruit pour s’orienter vers une pop plus douce et dépouillée ? Pour ne pas s’enfermer dans une formule ? Soit. Cependant, le groupe n’a jamais réellement changé dans le fond. Il écrivait des chansons avant tout.
Se tourner vers l’acoustique, c’est souvent le meilleur moyen de dénicher les bonnes mélodies. Une manière radicale pour trouver des tubes d’ailleurs. La voilà, l’origine de leur complexe. A force d’avoir poussé leurs amplis dans leurs derniers retranchements, ils ont fini par avoir peur qu’on les accuse de ne pas savoir écrire de véritables morceaux. Des airs qu’on peut siffloter sous la douche et sur commande. Inutile de se répéter : ne pas entendre cela dans leurs précédentes œuvres, ça relève de la médecine. Les quelques reprises acoustiques de leurs anciens titres qu’ils ont pu faire le confirment amplement.
Seulement quand votre inspiration mélodique s’étiole et que vous vous lancez dans le projet de faire du folk rock, je ne vous raconte pas l’ennui qu’on va subir.
Stoned & Dethroned est donc le disque folk des Jesus. Un caprice de star dont l’intérêt réside principalement dans sa singularité plutôt que dans son contenu. Un album de solitaire et qu’on écoutera volontiers dans sa décapotable tout en parcourant la route 66. Je n’invente rien ! C’est indiqué sur sa pochette.
Pourtant, les premiers morceaux ne laissent pas prévoir une débâcle. « Dirty Water » et « Come On » sont mémorables. Toutefois, c’est sur « Sometimes Always » où on atteint un pic de feeling. Grâce à son songwriting réglé comme une horloge et aussi (surtout ?) par la présence d’Hope Sandoval. La sensuelle chanteuse de Mazzy Star. Une rencontre au sommet tenant toutes ses promesses et annonçant, par la même occasion, un déclin progressif dans l’anodin.
Passé « She », seul « Girlfriend » nous fera émerger de notre sieste. Puisqu’on se retrouve enfoncé dans tout ce que la musique folk peut avoir de négatif : molle, oubliable et prévisible. Les refrains et les accords magiques, pouvant transcender une musique qui aura fait de ses textes et de son aspect volontairement passéiste ses principales caractéristiques, ne sont pas présents.
Stoned & Dethroned est en plus trop long : 17 pistes pour presque 50 minutes de musique. De quoi tuer d’ennui n’importe quelle personne peu réceptive à la musique rurale.
Après des coups de maître tels qu’Automatic et Honey's Dead, rien ne laissait prévoir une telle chute qualitative. Le sens de la mélodie des Jesus and Mary Chain ne souffrait d’aucun défaut et cette surprise discographique aurait dû renforcer cet état de fait. Justement, c’est peut-être là où se situent les racines du problème. Les deux Écossais ont probablement péchés par orgueil. Persuadés qu’ils pouvaient se permettre de moins soigner leurs chansons tant leur talent était indiscutable.
Ils étaient tellement sûrs d’eux qu’ils en avaient oublié que le passage à l’acoustique ne pouvait se faire sans heurts. Vider une composition rock de son énergie pour la transformer en ode de douceur, c’est comme lui subtiliser sa raison d’être. Il faut avoir une force mélodique en béton armé pour éviter qu’un chef-d’œuvre ne devienne qu’une bluette pataude.
Ici, il n’y a pas même pas besoin de débattre à ce sujet. Les Jesus n’ont que très peu travaillé leur songwriting au point de se contenter à faire du Bob Dylan.
Si le plus grand groupe pop en vient à de telles extrémités, alors on n’est pas dans la merde.
Chronique consultable sur Forces Parallèles.