Regarder le ciel, ou en l'air ?
"Il est du véritable amour comme de l'apparition des esprits : tout le monde en parle, mais peu de gens en ont vu." C'est sur cette phrase qui m'est chère de La Rochefoucauld que l'album s'ouvre, et...
le 29 nov. 2024
"Il est du véritable amour comme de l'apparition des esprits : tout le monde en parle, mais peu de gens en ont vu." C'est sur cette phrase qui m'est chère de La Rochefoucauld que l'album s'ouvre, et on peut le dire, on va voyager d'amour fantôme en lieux perdus du bout du monde.
Avec son deuxième album, Lord Huron plonge dans un esprit tellurique, ceux des vieux os que nous empruntons à nos aïeux, à la terre, et que nous trimballons tout au long de notre périple personnel.
Quoi de plus normal pour cet esprit ancestral et cyclique charrié par les paroles teintées de lyrisme et d'histoires anciennes, que d'offrir un album qui reprendra par trois fois le même thème en ouverture, milieu et fin sous différentes formes ? C'est simple, pourtant, mais efficace, à un point qu'ils en demeurent peut-être encore aujourd'hui les morceaux les plus populaires du groupe, presque dix ans après leur sortie.
S'affranchissant des ambiances plus "fantaisistes" et "aventurières" du premier album du groupe, Lonesome Dreams, les morceaux ici sont empourprés de solitude et, souvent aussi, de mélancolie. Ils nous mettront dans la peau de différents narrateurs, avec leurs propres histoires jamais vraiment racontées, et forment un puzzle qu'on peut s'amuser à tenter de reconstituer en se racontant une trame plus globale dans sa tête. Et c'est peut-être ça la force de cet album d'indie-folk aux petits accents pop ou surf-rock tarantinesques : celui de raconter une histoire sans la raconter ; l'imagination s'exalte, et évoque des paysages déserts, des petites bicoques du far west en 1950, des forêts californiennes (ou méditerranéennes si comme moi vous êtes en France et qu'il faut faire avec ce qu'on a sous le coude) de pins sylvestres, de grandes étendues arides, des collines nues, ou les parcs nationaux montagneux des USA, qui ne sont jamais aussi sexy que dans ce genre d'albums. On est au crépuscule, c'est la fin de l'été, ou l'automne peut-être, et la musique semble sortir des sous-bois où l'on s'égare, elle a peut-être commencé à être jouée bien avant qu'on arrive et résonnera encore demain soir. La force évocatrice de ces paysages transparaît clairement à travers notre propre solitude alors qu'on se surprend à siffler l'air de Meet me in the Woods ou de The Yawning Grave à la tombée du soir, et pourtant... bah c'est vraiment simple.
On n'est pas sur de la musique complexe, sur quelque chose de révolutionnaire, rien de cela ; d'ailleurs, je suis bien en peine de faire une critique très fournie de cet album assez fouillis dans ses changements d'ambiance, ses enchaînements de morceaux très soudains. On est juste sur quelque chose de très personnel, qui résonnera ou non en nous, aussi bien que l'on a le choix de regarder en l'air ou vers le ciel, lorsqu'on lève les yeux.
Strange Trails a cette aura mystérieuse qui enveloppe depuis l'atmosphère générale dans laquelle s'épanouit le groupe : qu'est-ce qu'on peut bien y trouver ? Je ne sais pas. Mais l'insaisissable y est en grande partie pour son charme. Je n'ai peut-être jamais eu un tel coup de cœur pour un album, ces fameux coups de foudre dont tout le monde parle, mais que très peu ont réellement connus.
Lord Byron, autre inspiration du nom du groupe, fait quelques incursions dans les paroles, parfois on se croirait dans un Tarantino avec The World Ender ou Dead Man's Hand, à d'autres moments, on rejoint la Roadhouse de Twin Peaks avec Meet me in the Woods, Cursed ou Frozen Pines, mais le plus important, c'est qu'on a tous chialé en écoutant The Night We Met la première fois, et qu'on sort de cet album avec autant d'énigmes existentielles que de réponses, car The Yawning Grave et Way Out There, les deux morceaux prétendument "traditionnels" de l'album, recèlent bien des invitations au sentiment océanique, touchant au sublime et à une sorte de puissance ancestrale, et ça, c'est un tour de force. Mais à cause d'eux, maintenant, je veux apprendre le thérémine.
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Créée
le 29 nov. 2024
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