Si je dis Irlande, vous répondrez sans doute la Saint Patrick (Moi alcoolique ? Jamais !). Si je vous dis rock, vous allez certainement me rétorquer U2 (ça commence à chauffer). Et si j’évoque le shoegaze, vous hurlerez en chœurs My Bloody Valentine (ouh vous brûlez !).
Et bien vous avez perdu ! Parce que je vais vous parler de Whipping Boy aujourd’hui.
La notoriété de MBV est tellement importante qu’elle a englouti la majorité des groupes du genre. Au point que les quelques bandes natives du même pays sont désormais emprisonnées dans les cachots de l’oubli. Toutes ? Non. Une poignée d’entre elles résistent à l’envahisseur et ont réussi à émerger de la confidentialité. Grâce à une intense originalité (Rollerskate Skinny) ou à cause d’un succès critique tardif. Comme l’excellent Heartworm dont les auteurs sont ces messieurs portant le doux sobriquet de Bouc Émissaire. Car si Fearghal McKee a démontré qu’il était un personnage torturé lorsque les oreilles du peuple irlandais étaient grand ouvertes à ses discours, c’était pire lorsqu’elles n’y étaient pas réceptives !
Musicalement, Submarine est aux antipodes de l’opus de 1995. Puisque bruyant, acéré et violent. Cependant, et c’est une des forces de l’album, il est également l’aboutissement d’une première période underground. Des débuts dévoilant plus les pensées noires de son leader plutôt que la singularité dont son gang fera preuve quelques années après.
Whipping Boy étant assez différent du leader du shoegazing ainsi que des groupes anglais qu’il a inspirés. Pourquoi ? Parce qu’ils sont tiraillés par des origines post-punk (les lignes de basses à la raideur toute cold wave) et un son plus brut, plus américain, plus tordu aussi. Celui du post-hardcore tel que Fugazi et surtout Unwound. Une forte identité semant encore plus la confusion dans cette musique qu’est le shoegaze. Mais il ne faut pas oublier que la première génération de cette scène était similaire à celle du grunge. Les groupes les composant ayant, en majorité, une forte personnalité puisque tout était à faire dans ces styles novateurs.
Rien que l’énorme riff introductif de « Safari » confirme que nous sommes face à des gens ayant absorbé leur influence. Cette guitare, presque metal, démontrant que leurs débuts amateurs sont désormais derrière eux. « Sushi » souffle le chaud et le froid. Car alternant calme atmosphérique et déchainement électrique avec un McKee très convaincant lorsqu’il s’agit de hausser le ton. Même immense réussite sur « Snow » dont l’embardée rythmique reste un des moments les plus intenses de cette formation.
Quelques morceaux planants annoncent un futur plus apaisé mais pas moins dépressif. En particulier « Astronaut Blues » qui se cache derrière ses airs de comptine romantique pour y infuser des paroles désabusées sur les comportements amoureux. Ce n’est cependant pas ce qu’il y a plus intéressant ici. Whipping Boy n’ayant pas tout à fait la maturité nécessaire pour toucher en plein cœur avec des compositions plus épurées et calmes. Ils sont encore empeignés d’une jeunesse les poussant à exprimer leur penchant le plus cru et le plus direct (« Buffalo »). Les titres les plus noise rock étant ce qu’ils sont capables de mieux en 1992, même si la plume de Fearghal McKee est déjà bien aiguisée sur les relations hommes / femmes (« Valentine 69 »).
Ne vous y trompez pas. Malgré ses quelques instants atmosphériques, Submarine est une œuvre pessimiste et de mauvais augure. Le type de disque qu’on écoute en maudissant ses ex mais qui fait justement du bien pour cette raison. Une nécessaire catharsis pour se remettre en selle.
Chronique consultable Forces Parallèles.