Un truc me fascine chez les Japonais. Enfin non y a tout un tas de truc qui m'intrigue chez eux dans l'absolu, mais là en l'occurrence ce que me fait hausser le sourcil c'est cette capacité à mettre des gens talentueux aux manettes de projets commerciaux d'apparence ultra artificiels. Je ne connais pas grand chose à la culture « idol » nippone mais moi quand je vois sur la papier une bande de 4 idoles rassemblées dans un projet musical qui promeut en même temps des accessoires de mode, je ne pense à rien d'autre qu'à nos infâmes boys-band à l'occidentale. Je ne m'attendais certainement pas à ce que m'ont donné les Maison Book Girl.


Pourtant ça n'est certes pas la première fois que je me fais prendre par surprise par ce genre de projet improbable – rien que l'année dernière l'excellent album de 3776 était là pour me le rappeler), mais faut croire que je ne suis toujours pas habitué. D'autant que ce Summer Continue est une double surprise. Déjà pour les raisons évoquées plus haut, mais aussi parce que le style de Maison Book Girl dénote au sein même des canons J-Pop. Là peut-être que les authentiques connaisseurs viendront me citer des dizaines de contre-exemple (et tant mieux, je me coucherai moins bête) mais il me semble que le disque de J-Pop lambda ne résiste jamais bien longtemps à l'envie d'aller taper dans une myriade de styles différents ; passant du bonbon pop au générique d'anime en puissance à la ballade country à la vignette jazz au rock qui « tâche » à la parenthèse hip-hop... Au sein même des morceaux les J-Popeux n'hésiteront pas à alambiquer la construction dans la plus stricte éthique YOLO, genre : couplet, refrain, couplet, pont n°1, refrain avec changement de tonalité brusque, break de batterie, pont n°2, etc. Je grossis un peu le trait mais ça n'est pas très éloigné de mon expérience dans le domaine.


Les nanas de MBG elles, se tiennent à une formule précise et construisent une identité sonore forte qu'elles développent le long de chansons méthodiques, simples, avec un flair mélodique ravageur. L'ingrédient clé de leur recette euphorisante sans aucun doute, c'est ce marimba qu'elles utilisent pour porter de brèves phrases mélodiques qui s'agencent et se superposent, comme nées de l'esprit d'un Steve Reich biberonné à la pop qui s'amuserait à concevoir de petits algorithmes kawaii (sans tout le travail sur le déphasage qu'on lui connait bien sûr, le parallèle n'est pas à creuser très loin). Ainsi voilà ces 4 filles dans le vent nous offrir un tout petit EP qui en à peine plus de 15mn dépasse leur album de 2015 – pourtant de très bonne facture, mais encore loin de ce niveau d'aiguisement – et qui culmine sur « bed », chef d'oeuvre pop à la fois euphorique et suprêmement serein, pour s'achever sur une étrange (mais envoûtante) piste expérimentale spoken-work donc j'aurais bien souhaité connaître le sens – pour peut-être découvrir simplement que les nippons aiment bien faire leurs remerciements sur fond de musique concrète)


J'ose espérer que ce trop bref EP finira par déboucher sur un album en bonne et due forme. Parce que si les esprits responsables de MBG sont capables de garder un tel niveau de qualité sur le long format, y aurait de quoi enflammer les tops de fin d'année.

T. Wazoo

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