"Est-ce qu'on s'aime, ou est-ce qu'on s'aime bien ?"

« Comment faire aimer Superbus » ? Voilà la facheuse question qui, sans cesse, trotte dans mon esprit à chaque fois que l'on me lance cette réplique toute faite « La chanteuse est bonne mais c'est un groupe commercial pistonné de merde », quand ce ne sont pas des spécimens au cynisme décomplexé qui chantent sur l'air bien connu du groupe « Beurre Volant, Beurre Volant, Beurre Volant, Beurre Volant, Ouh ouh ouh ». Mes deux listes n'ayant évidemment pas eu assez d'écho pour renverser la donne, me voilà réduit à l'état de fanboy naïf et ignorant. Eh bien figurez vous qu'il me semble avoir trouvé la réponse, et elle se trouve dans Sunset, ce 5ème album studio si on occulte le best-of. Mieux que ça. la réponse, C'EST Sunset.

Il me semble, en effet, que si je devais utiliser de mon plein gré cette expression prétentieuse de journaliste, je dirais que oui, cette album est l'album de la maturité. Mais je ne déteste pas cette expression pour rien, et je vais donc m'attacher à le définir autrement, titre par titre.

All Alone est le piège habituel de Superbus : Le single. Aucun single n'a en effet réussi à offrir un aperçu légitime des trois derniers albums. Butterfly n'est pas Wow, Addictions n'est pas Lova Lova, même Mes Défauts n'est pas Happy Bus Day. Il en est donc de même pour All Alone, qui semblait emmener l'album vers l'électro un peu plus épuré, loin du kitch assumé de Lova Lova. Il réussit cependant à dévoiler une des bonnes surprises de l'album : l'amélioration des textes.

Le plus gros reproche que l'on ait en effet donné au groupe est la pauvreté des paroles. Cela dit, je réduirait la critique à la simplicité de celles-là. Jenn n'utilise pas beaucoup de mots, mais elle dit certainement pas mal de choses avec, ce que les gens aiment ignorer.

(En même temps Clara Morgane utilise aussi des sous-entendus donc mon argument est un peu bancal, bien que Jenn soit autrement plus raffinée dans ses paroles que celle qui restera aussi subtile en chant qu'en comédie)

Je disais donc que dans Sunset, Jenn varie plutôt ses thèmes et son langage, ce que nous verrons plus tard.

Voire même maintenant, tiens, car voilà A la Chaîne.

Deuxième single un peu plus ambassadeur, A la Chaîne est un Foule Sentimentale 2.0, et ce dans les deux sens, car il s'agit d'une critique des dangers sociaux d'Internet. Le texte de Souchon restera bien sûr meilleur mais celui de Jenn n'est pas en reste en dressant un constat alarmant ( Ca fait deux expressions pompeuses de journalistes dans ma critique) sans non plus prendre un point de vue trop protecteur. Ne cherchez pas d'attention-whorisme ou d'une envie chez la fille de Chantal Lauby d'avoir la science infuse, (Elle à déjà dit ne pas l'avoir, rappelez vous) car pas de bienveillance mal placée ici.

Smith'n'Wesson s'est révélée être un coup de cœur quasi unanime chez les fans. Cette ballade sur la déchéance d'un couple, à l'instru pas désagréable, se révèle moins prévisible que prévu, dépeignant une sorte de fantasme de la femme trompée (c'est comme ça que j'ai compris la chanson du moins), ce qui est peu commun. Bref, un titre assez frais et surprenant.

Mini est le gros délire de l'album. Rendant hommage à la célèbre marque de voitures mignonnes, tout en saluant l'élégance britannique. Un titre très efficace que je me repasse en boucle.

L'Annonce, titre sur la grossesse ( toujours mon interprétation) est l'héritage de Lova Lova. Un titre dance et dans le ventre mou de l'album, mais qui bat certains titres du précédent album du groupe.

Whisper a été l'objet d'un soin tout particulier. Entre les effets de style nous mettant dans la peau d'une gamine de 6 ans effrayée par les films d'horreur et le solo bien kitch de Richie Sambora, on en a pour son argent.

Calling You déçoit un peu car c'est un peu une version anglophone de Mes Défauts, tant dans l'instru rétro que dans le texte. Mais il arrive à se démarquer de son modèle avec son ambiance oscillant entre le cabaret-western et le rockabilly.

Mrs Better moque son perfectionnisme, reconnu par tous les gens qui ont bossé avec elle. Un bon titre, qui s'efface un peu devant les autres cependant.

Get Real, dès l'intro, surprend. Un titre étonnamment rock et bien construit. Paradoxalement, les paroles sont des plus faibles de l'album.

Duo, titre interprété avec le mannequin et chanteur Marco Kamaras, a un côté indéniablement très Indochinois (je parle bien du groupe français) C'est le titre le plus expliqué par Jenn, et je retranscrit ce qu'elle dit : Pour ce duo, elle cherchait un chanteur d'allure et de voix androgynes, de façon que l'on ne sache pas le sexe de son interlocuteur. Ca à une certaine logique dans les paroles (excellentes par ailleurs) (« Si tu n'es pas si sage/Je ferai la fille »). Un certain mystère érotique, moins bourrin qu'il n'en n'a l'air, se dégage donc de ce titre.

Le dernier titre de l'édition classique de l'album est « L'Eté n'est pas loin ». Une autre ballade, mais bien différente dans l'ambiance. Pouvant figurer dans la B.O d'un Tarantino, cette narration d'un amour de vacances se révèle délicieusement charmante. C'est ma surprise et mon gros coup de cœur de l'album.

Dans l'édition collector, un peu pauvre par rapport à celle de Lova Lova, trois titres inédits : « La Cible », hymne de la volonté, et « Baisse ton froc » ne sont pas sans rappeler les jeunes années aéromusicales du groupe, tandis que la reprise de Video Killed the Radio Star est assez personnelle et modernisée pour être appréciée.

En conclusion, qu'avons-nous là ?

Avant tout, nous avons un album placé sous le signe de la variété. Alors que tous les albums du groupe avaient une ligne directrice claire et jamais trahie, Sunset ose sortir un ensemble de titres aussi différents qu'unis. On a l'impression que l'album a été fait pour être la bande-son d'une journée tant le rythme est doux dans les extrémités et attachant dans le noyau Calling You-Mrs Better-Get Real.

Ce qui est aussi varié, c'est la voix de Jenn. Alors qu'on s'étonnait de sa performance dans son duo avec Marc Lavoine (« Désolé »), autant elle en donne plus ici. Sa voix s'énerve et s'adoucit dorénavant selon les titres, ce qui était déjà le cas, mais c'était bien moins flagrant.

Bref, à l'heure où il est scientifiquement prouvé que toutes les chansons qui cartonnent se ressemblent ( Et oui, ça a été calculé), Superbus peut se targuer de se sortir du spectre « Ceux qui n'aimaient pas Superbus ne changeront pas d'avis avec ce nouvel album » (Lu dans plusieurs critiques de Lova Lova) en nous livrant Sunset, qui surprendra plus d'un détracteur sur les capacités du groupe. Voilà pourquoi, au tout début de cette critique fleuve, ai-je déclaré que cet album pouvait faire aimer Superbus à un public qui, jusqu'alors, le repoussait avec une haine aveugle et aveuglante.

Mais cet album répond aussi à une autre question : Pourquoi moi, aime-je Superbus, au point d'avoir pris l'habitude silencieuse d'écrire comme Jenn écrit, d'être l'indécrottable défenseur du groupe dans la vie de tous les jours, et d'avoir même ambitionné de faire la plus longue critique du site juste pour faire chier les gens et de les forcer à lire, mais abandonné en voyant que le maximum fourni et utile représente à peine le tiers de la critique du Grand Détournement par Hypérion ? Pourquoi cet acharnement ?

Et bien, peut-être parce que je veux que des albums aussi simplement humains, sans vouloir se jeter absurdement loin dans l'exigence, sortent un peu plus souvent dans les bacs.