Quand j'ai découvert La Roux en 2009, première année de refondation de ma culture musicale par le biais d'Internet, le projet avait tout pour me faire plaisir : la coupe de cheveux, la grande mèche rousse et surtout le son ! Une modernisation de la Synthpop que j'affectionne par une production délicatement plus dure, saturée, au tempo légèrement plus relevé et aux claviers toujours aussi kitsch et ronds. J'étais conquis. « In for the Kill », « Quicksand » et surtout « Bulletproof » étaient des tubes imparables. Dans le clip de ce dernier, je sentais une timidité dans le personnage d’Elly Jackson qu'elle peinait à cacher derrière des attitudes punk.
C'est le seul truc que j'ai retrouvé au visionnage de son nouveau clip « International Woman of Leisure » ; Elly ne sera jamais actrice, mal à l'aise devant la caméra, à deux doigts de pouffer, semblant ne pas prendre son rôle au sérieux… peut-être un signe de la qualité de Supervision. Ce single m'a tout de même procuré quelques frissons sur les premières notes qu'elle se met à chanter ; cette voix au timbre unique avec lequel elle nous avait séduit et qui nous avait manqué ces six dernières années est toujours aussi marqué et présent, elle va d'ailleurs en abuser tout au long de l'album. Puis le single continue, le refrain n'est pas fou bien qu'il reste facilement en tête et la fin n'est pas mieux. Bon, c'est clair que le tube est moins évident qu'un « Let Me Down Gently » ou un « Uptight Downtown » que l'on retrouve sur son deuxième album Trouble in Paradise ; s'il est possible de lui trouver un certain charme, je me retrouve un peu déçu. Puis le reste est arrivé au compte-goutte et on entend clairement quelque chose qui cloche…
Revenons sur la sortie de ce Trouble in Paradise sorti en 2014. Son écriture a été plus compliquée, notamment à cause de dissensions entre Elly et son ancien partenaire Ben Langmaid, co-fondateur du projet La Roux. Ce dernier le quitte en 2012 après avoir travaillé sur quelques démos, n'appréciant point la direction que donnait au projet le producteur Ian Sherwin… et on peut lui donner raison. Là où le premier sonnait moderne, le second album régressait dans le temps et aurait pu sortir dans les années 80. Quelques très bons titres auraient peut-être grimpé en milieu de charts mais sans jamais dépassé le skill d'une sortie de Madonna. Vous me direz, c'est déjà pas mal car Supervision, lui, aurait été considéré comme l'équivalent d'un « Hysteria » d’Human League (pour citer un album dont on a déjà parlé ICI).
A la première écoute, je me suis dit qu'ils avaient voulu une production simple, rudimentaire et minimaliste. Après réécoute, on se rend compte que c'est juste mal produit : les instrus, répétitifs, qui tournent souvent à vides sont d'un cheapos ! Encore plus que l'expression « cheapos » ou que les derniers Metronomy ! Oui, c'est du La Roux, mais en cheap. Ils ne font absolument rien ressortir dans leur mixage ; tout, même la voix d’Elly semble parfois juste avoir été rajouté par au-dessus, comme ça, sans essayer de la faire fondre avec le reste. Les riffs façon Nile Rodgers qui accompagnent la majorité des titres semblent avoir été faits à la souris sur un logiciel de MAO. Certains synthés, quand ils ne sonnent pas comme un bruit de fond, sonneraient dépassés même dans les années 80. Et on attend souvent, non pas que le morceau explose, mais qu'il s'y passe au moins quelque chose, comme si l'album n'avait pas été terminé, à deux doigts du stade de la démo. Pourtant, le co-producteur Dan Carey a un certain passif, qui serait impossible de résumer ici.
Pour l'avoir vu en live, où elle est débarrassée de toute timidité, en véritable bête de scène, je suis sur qu’Elly arrivera à sublimer certaines de ces pistes ; « 21st Century », « Otherside » ou la ballade « Gullible Fool », qui conclut l'album sans vraiment savoir comment dans ses dernières minutes. Ces pistes sont néanmoins emprunts des mêmes défauts précédemment cités, que l'on retrouve sur tout Supervision. Elly a beau nous le vendre sur ses réseaux comme quelque chose d'important pour elle, sans doute au niveau du texte, on se dit que depuis qu'elle fait route seule, qu’elle a la main-mise sur le projet, il coule ou prend feu peu à peu, avec un son de moins en moins bon et pertinent à notre époque. Est-ce juste la déception qui parle après tant d'attente ? Ou bien est-ce que La Roux, c'était définitivement 50% Elly, 50% Ben Langmaid ?
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