Depuis leur incontournable OST de Your Name (2016) et les tubes immédiats aux inspirations pop (Sparkles, Nandemonaiya ou l’ultra-sensible Katawaredoki), les qualités de compositeurs des RADWIMPS ne sont plus à prouver. Le groupe semblait détenir la recette d’une musique idéale pour soutenir à l’écran le pouvoir de l’amour, la douceur (sirupeuse ?) et les moments de bravoure à fleur de peau. Mais pour Suzume, il fallait aller plus loin... Beaucoup plus loin.


Si l’OST de Your Name se traverse ballotté entre tendresse et rock overdopé, celle réalisée pour Suzume contraste par sa grande cohérence et la maîtrise totale de ce qu’elle veut raconter. Terminé les touches de guitare ou de piano disséminées çà et là dans le projet. Cette fois, d’un bout à l’autre des 1H20 de composition, on ressent une très nette homogénéité doublée d’une belle ambition : bâtir une réelle musique de film capable d’exceller dans chaque domaine qui lui sera demandé (poésie, mélancolie, souffle épique, élégance, frénésie, rayonnement...). En l’espace de quelques pistes, on vibre d’excitation et d’anxiété pour retomber ensuite, avec d’autant plus de pertinence, dans le relâchement et la quiétude. Le projet vit, respire. La seule piste Suzume's Departure en est la parfaite illustration.


Lors de la mise en sons, l’écueil aurait été de céder à la nostalgie véhiculée par certains des thèmes traités par Shinkai : les lieux abandonnés (ces épicentres de nostalgie témoins des vies heureuses mais antérieures), les catastrophes inévitables et la complexité du deuil. RADWIMPS parvient à être poignant et juste dans son propos, sans tomber dans le pathos ! S’il est évident que la douleur laissée par les séismes (et, plus précisément, le drame de Fukushima) soit palpable, la volonté lumineuse d’aller de l’avant doit avoir le dernier mot ! Sans balayer la nostalgie pour autant, non... Le joyau musical s'obtient au contraire lorsqu'elle est transcendée.


RADWIMPS livre un projet très intelligemment bâti, car les fondations sont elles-mêmes mûrement réfléchies. Le choix des instruments est toujours juste et parfois même inattendu (Soldier's Break), l’orchestration des temps de bravoure ne tombe pas dans les clichés éculés par les néo-Zimmer (Sky Over Tokyo), l’usage de la voix en tant qu’instrument (plus seulement comme chant) permet de dépasser les frontières de la langue (Suzume's Departure) et les chœurs adolescents subliment idéalement le message final du film (Suzume).

Aussi, la volonté de créer une musique au maximum intemporelle était, de la part de Yojiro Noda, la meilleure chose à faire. Les fautes de goût sont alors strictement interdites. La recherche d'instruments originaux et pertinents entraine avec elle des trouvailles sur le plan musical. "Il y a un son de guitare à la fin de Kanata Haluka (...) qui pourrait être joué avec votre index, même par un enfant" (Y. Noda) ; dans la contrainte, peut surgir le meilleur.


En bref, là où la magie opère c’est qu’après avoir vu le film, lorsque l’on écoute le projet, on s’aperçoit combien l'image et le son regardent dans la même direction. Après la projection du film, lors du trajet retour en pleine campagne pour rentrer chez moi, j'ai mis l'OST dans la voiture. Pendant un peu plus d'une demi-heure, je voyais le monde différemment… comme passé dans un filtre aux couleurs de Suzume. Ces nuances qui sont autant de réponses au seul défi de la vie qui mérite d’être relevé : avancer.

K-A-M-I
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le 18 avr. 2023

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K-A-M-I

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