Lâcheté et mensonges
Ce commentaire n'a pas pour ambition de juger des qualités cinématographiques du film de Ladj Ly, qui sont loin d'être négligeables : même si l'on peut tiquer devant un certain goût pour le...
Par
le 29 nov. 2019
205 j'aime
152
Il n’y avait pas beaucoup de raison pour que "Sweet Unknown" attire notre attention au milieu de la pile de nouveaux albums sortis cette semaine : entre la production de Dan Auerbach, une signature que nous avons appris à redouter au fil de disques sonnant un peu toujours pareil, le nom du groupe (sans commentaires…), la pochette bien laide, et surtout son positionnement « Soft Rock seventies », la nostalgie n’étant pas notre crémerie. Et le choix de "Sweet Unknown" comme « album du mois » (le même mois où sort une merveille comme le disque de Doherty & Lo, ça ressemble à une plaisanterie !) par la revue passéiste, voire conservatrice, qu’est devenu Rock&Folk depuis pas mal d’années, nous a plutôt conforté dans notre méfiance.
Ceci posé, il suffit d’une écoute de ce quatrième album des Frères Regan, originaires de Pennsylvanie, pour avoir envie de lui donner sa chance dans notre vie. Et ce qui fait la différence avec le peloton des groupes US ayant décidé de retourner à l’illusion du bonheur et de la simplicité des seventies, brandissant leurs guitares comme symboles d’une résistance au changement (trop de femmes, plus assez de petits blancs, trop d’électronique, etc.) dans la musique actuelle, c’est bien la qualité des mélodies qui enchantent la plupart des titres de "Sweet Unknown". On écrit « la plupart », par prudence, mais on peut bien admettre arrivés à ce stade que cet album n’est pas loin du sans faute à ce niveau-là…
Les Frères Regan racontent régulièrement qu’ils ont appris leur « métier » en le pratiquant au sein de cover bands depuis le collège, mais qu’ils doivent surtout leur amour des mélodies bien troussées à l’éducation donnée par leur père, à coup de disques des Kinks, des Stones, etc. Avec une approche familiale et DIY de la musique, prenant des risques raisonnables dans un cadre financier prudent, Ceramic Animal ont progressé peu à peu, gagnant le cœur d’un public croissant de gig en gig, d’album en album. Jusqu’à la rencontre avec Auerbach pour enregistrer ce qui deviendrait leur quatrième album : en travaillant ses chansons avec l’aide d’auteurs confirmés, comme Desmond Childs ou Angelo Petraglia (l’homme qui a accouché les Kings of Leon, quand même), en particulier au niveau des paroles pour les rendre plus impactantes, plus claires, Chris Regan a permis au groupe de matérialiser une puissance émotionnelle inédite.
"Sweet Unknown" utilise toutes les armes de séduction massive de la pop music des décennies passées pour nous parler de la solitude contemporaine, et de ce sentiment de perte que nous ressentons tous de plus en plus : la chanson-clé de l’album est indiscutablement "Forever Song", qui a tout du hit instantané, et qu’on a l’impression dès la première écoute de connaître depuis toujours.
Rassurons enfin ceux, nombreux, qui ne seraient pas plus accros que nous aux Eagles – une référence quand même évidente ici -, on peut aussi repérer des influences soul, une admiration pour le glam rock, un soupçon de rock stonien, un doigt de Strokes, et même de vagues tendances new wave anglaise : ce côté patchwork d’influences et de styles constitue probablement la limite d’un groupe qui a, malgré – ou à cause de – ses origines très terriennes, manque de cette fameuse « street credibility » si essentielle aux légendes du Rock. Par contre, il nous garantit un plaisir quasi ininterrompu pendant les riches 36 minutes de "Sweet Unknown".
[Critique écrite en 2022]
Retrouvez cette critique et bien d'autres : https://www.benzinemag.net/2022/04/04/ceramic-animal-sweet-unknown-le-pouvoir-absolu-de-la-melodie/
Cet utilisateur l'a également mis dans ses coups de cœur.
Créée
le 4 avr. 2022
Critique lue 65 fois
Du même critique
Ce commentaire n'a pas pour ambition de juger des qualités cinématographiques du film de Ladj Ly, qui sont loin d'être négligeables : même si l'on peut tiquer devant un certain goût pour le...
Par
le 29 nov. 2019
205 j'aime
152
Il y a longtemps que les questions morales liées à la pratique de l'Art Cinématographique, chères à Bazin ou à Rivette, ont été passées par pertes et profits par l'industrie du divertissement qui...
Par
le 15 janv. 2020
191 j'aime
115
Cette chronique est basée sur ma propre interprétation du film de Charlie Kaufman, il est recommandé de ne pas la lire avant d'avoir vu le film, pour laisser à votre imagination et votre logique la...
Par
le 15 sept. 2020
190 j'aime
25