En 1954, Sarah Vaughan a trente ans. Elle est reconnue comme la nouvelle grande dame du chant jazz, après Billie Holiday et Ella Fitzgerald. Sa maîtrise vocale impressionnante, sa tessiture qui lui permet d'atteindre des graves inouïs, ses qualités de musicienne (elle joue aussi du piano), lui ont permis d'adapter son chant à la virtuosité des instrumentistes be bop, qu'elle a abondamment côtoyés au cours des années 40. Ici, c'est avec deux remarquables trios (le deuxième enregistré en 1957) propulsés par les tambours raffinés de Roy Haynes qu'elle grave quelques standards ("All of Me", "Lover Man", "Body & Soul"...) qui ont tellement été chantés avant elle qu'ils lui permettent immédiatement de faire entendre sa différence et de marquer son territoire. Swingueuse, certes, mais surtout styliste d'une grande subtilité - qui par la suite pourra aller jusqu'à un maniérisme et une sophistication qu'on lui reprochera de privilégier à l'émotion. Pour l'heure, en tout cas, "Sassy" est au sommet de son art.