Alors qu'il est désormais un artiste reconnu, avec son mélange de jazz, de comédie musicale et de rock, assombri par sa voix immanquablement reconnaissable, Tom Waits a visiblement décidé avec ce "Swordfishtrombones", qui n'est pas pour toutes les oreilles, de repartir à zéro, de se réinventer. Alors qu'entend-on, légèrement étourdis, voire hallucinés, sur ce disque aussi chaotique que grinçant ? Du cabaret berlinois coincé au milieu d'un embouteillage new-yorkais, comme l'a joliment exprimé un critique ? Captain Beefheart qui nous revient dans un épisode des Looney Tunes, accompagné par des percussionnistes fous qui tapent sur les capots de carcasses calcinées de voitures dans une décharge ? Oui, sans doute... Mais aussi l'âme nue et déchirée d'un artiste, pardon d'un homme, qui pleure avec nous sur la beauté de la vie comme sur la cruauté des rêves. C'est simple, en 1983, ce disque a fait partie d'une poignée d'albums qui m'ont sauvé la vie... [Critique écrite en 1984]