Tout juste un an après avoir sorti son remarqué premier album, les italiens de Rhapsody reprennent le service avec un opus au titre au moins aussi kitsch que le précédent, à savoir Symphony of Enchanted Lands. Ces « pays enchantés », ce sont les contrées d'Algalord, issues de l’imagination fertile de Luca Turilli, dans lesquelles se déroule l’épopée de l’Epée d’Emeraude introduite dans Legendary Tales. La saga se poursuit ici, accompagnant une musique qui reprend les bases posées l’année précédente, en les poussant à leur paroxysme.

Symphony of Enchanted Lands, c’est l’album du « plus », de la surenchère. Plus épique, plus ambitieux, plus jusqu’au-boutiste… Autant dire que Rhapsody ne fait ici aucun compromis, et que les détracteurs du premier album peuvent d’emblée se désintéresser de ce nouvel effort, tandis que les fans du groupe voient en cette deuxième offrande l’apogée des transalpins. On retrouve l’influence du classique sur de nombreux titres (l’excellent « Dark Tower of Abyss » par exemple), les valeureuses cavalcades, et les hymnes encore plus puissants que sur Legendary Tales (« Emerald Sword » et « Eternal Glory » en tête, deux des tous meilleurs morceaux du groupe). Passons sur la ballade insipide qu’est « Wings of Destiny » et son refrain que j’estime imbuvable (comme beaucoup de ballades de nos amis). Le titre éponyme est lui plus long et inaugure cet exercice du morceau de plus de dix minutes qui sera alors présent sur chaque album, et même souvent le titre phare. S’ils n’ont pas toujours été les plus réussis, celui-ci est un succès et sait captiver l’auditeur sans le lasser, alternant passages influencés par le folk, passages très typés power et d’autres plus lents (avec l’apport d’une voix féminine lyrique, autre facette du style qui commence tout juste à se développer). Le côté narration et « histoire » est lui aussi plus présent, avec de nombreux passages parlés, des interludes avec sabots de chevaux (« Heroes of the Lost Valley »). Que du kitsch un peu risible, mais qui n’arrive pas à dissiper le plaisir qu’on a en écoutant « SOEL » et qui s’inscrit totalement dans la démarche de nos preux chevaliers, rejoints par le bassiste Alessandro Lotta. On garde malgré ce côté épique (avec chœurs à tous va lors de refrains, soli très bons et entraînants, orchestrations classiques savamment intégrées) une réelle authenticité et une sincérité de la part du groupe, qui ne tombe pas dans la grandiloquence qui le caractérisera plus tard. Ou bien si, c'est grandiloquent, mais d'une sincère grandiloquence, ils ne font pas du cinéma (même s'ils se croient à Hollywood), et c'est payant.

Rhapsody réussit avec ce second album un coup de maître. Sans s’éloigner de ce que le groupe sait faire et chercher à surprendre, il se dépasse, et transcendés par leur quête à la recherche de l’Epée d’Emeraude, nos défenseurs du Bien sortent rien moins qu’un petit chef d’œuvre. Ridiculisés par certains et présentés comme chefs de file de ce qui pouvait arriver de pire au metal (soit le kitsch et le côté symphonique poussés à l’extrême), c’est ce choix de garder leurs idées et de les exploiter à fond qui permet aux italiens de séduire son public tout en acceptant de se mettre à dos ceux qui prendraient le metal pour quelque chose de très sérieux et, par conséquent, les considèrerait comme des clowns déshonorant leur religion. Ce niveau de composition, cette efficacité directe et ce côté « hymnesque » (encore une fois, « Emerald Sword » quoi, ce refrain !) atteint son sommet et, malgré de bons disques, n’a pas encore été atteint par les transalpins depuis 1998.
Flavinours
9
Écrit par

Cet utilisateur l'a également mis dans ses coups de cœur et l'a ajouté à ses listes Ma CDthèque et Petit tour du monde musical

Créée

le 11 août 2012

Critique lue 550 fois

7 j'aime

Flavien M

Écrit par

Critique lue 550 fois

7

D'autres avis sur Symphony of Enchanted Lands

Symphony of Enchanted Lands
shun51
10

la base du metal symphonique

Un album incontournable si l'on aime le metal symphonique. Les mélodies instrumentales sont extraordinaires, comme "The Dark Tower Of Abyss". On est transporté dans un autre univers et c'est top.

le 7 janv. 2022

1 j'aime

Symphony of Enchanted Lands
diegowar
9

Critique de Symphony of Enchanted Lands par diegowar

Rhapsody continue dans la lancée de son premier album en nous servant une nouvelle fournée de musiques épiques, notamment "Eternal Glory", "Emerald Sword" et "Wisdom of the Kings". Epicus Furor :...

le 26 août 2012

Du même critique

Forever Changes
Flavinours
9

1967, l'année qui tue

Y'a des années comme ça. On sait pas trop pourquoi mais elles accumulent les bons albums ou ceux qui marquent l'histoire de la musique, alors que d'autres sont nettement moins prolifiques. En 1967,...

le 11 août 2012

20 j'aime

1

Blackfish
Flavinours
8

Le Maillon Faible.

Critique publiée sur Kultur & Konfitur. Tombé dessus par hasard entre deux matchs de la coupe du monde 2014, ça a sévèrement entamé mon moral pour regarder le deuxième match. On s'attend à un...

le 29 juin 2014

16 j'aime

Reigns
Flavinours
7

Reigning Blood

Critique publiée sur Kultur & Konfitur. Me voilà roi. Premier de ma lignée, le peuple attend beaucoup de moi, déçu par la tyrannique dynastie m’ayant précédé. Leurs demandes sont parfois...

le 17 sept. 2016

13 j'aime