Tamer Animals
7.8
Tamer Animals

Album de Other Lives (2011)

Déterminé à étoffer la nature intimiste de la musique qu'il produit depuis 2004, initialement avec Kunek, puis avec Other Lives, le chanteur, parolier et architecte en chef Jesse Tabish a commencé par réunir une petite troupe d'instrumentistes – dont les inséparables Jenny Hsu (violoncelle) et Colby Owens (batterie). “Inutile de cacher que nous sommes de grands admirateurs de Philip Glass”, semble dire l'introductive Dark Horse (histoire de reposer les journalistes ?). Ceci dit, Tamer Animals n'est en aucune manière une tentative d'adapter à la mode folk rock le minimalisme de l'illustre compositeur précité. Bien plus astucieux que ça, Tabish lui a juste emprunté une part de la méthode de fabrication : le chant, traité comme un instrument, épouse les séquences jouées par l'orchestre, renforçant ainsi la structure d'arrangements, qui, même quand ils déploient leurs ailes, ne sont jamais grandiloquents. “Nous n'essayons pas d'impressionner par le nombre, car s'il y a bien douze personnes sur scène, cinq jouent la même mélodie. Mais bon, sans vouloir être prétentieux, chaque son a sa fonction”, explique l'Américain avec une désarmante décontraction. Alors, l'air de rien, le groupe combine habilement la sophistication baroque de Flotation Toy Warning (Dust Bowl III) à la somptuosité mélancolique des cordes des Tindersticks (Weather), la densité de Godspeed You! Black Emperor (As I Lay My Head Down) au sens mélodique de Grizzly Bear (Landforms et la saisissante Desert), les saupoudrant à l'occasion d'ambiances western spaghetti (For 12, Old Statues). Le plus étonnant dans l'affaire, c'est qu'il est peu probable que la population de Stillwater – fière d'être le “pays des cow-boys” et la patrie de la red dirt music – détecte dans le superbe deuxième effort de leurs concitoyens, les nombreuses traces de bluegrass, de hillbilly et de country qui, pourtant, ne cessent d'affleurer. Other Lives est condamné à l'exportation (magic)


« Dompteur d’animaux », le titre donne un petit indice sur la teneur de cet album… C’est qu’il faut certainement avoir la patience d’un dresseur d’ours pour orchestrer la folk philarmonique d’Other Lives. Son maître d’œuvre, Jesse Tabish, voix, compositeur et multi-instrumentiste accompli, est habité d’une vision musicale si ambitieuse qu’elle dépasse largement le cadre de son quintet. Du moins instrumentalement, tant la dimension symphonique est ici très prégnante. Une partition dense, voilée d’une brume qui suggère des mystères insondables et (justement) plusieurs vies. Une musique qui donne envie d’en apprendre davantage sur les histoires de cette formation, ainsi que ses motivations.Hormis une date à la route du rock cet été et un concert parisien passé presque inaperçu (au lendemain de Rock en Seine) Other Lives est parvenu jusqu’ici à entretenir son mystère dans l’hexagone. Le premier album (suivi d’un E.P.) paru en 2008 est passé complètement inaperçu en Europe. Jusqu’à ce second, que personne n’a vu venir, et qui propulse brusquement le groupe vers le palier supérieur. Originaire de Stillwater (Oklahoma), le quintet a lentement fomenté son son durant cinq ans, avant de se lancer et d’opter pour un nom, Other Lives. On dit que leur musique était alors uniquement instrumentale - tendance post-rock - chose guère étonnante à l’écoute des montagnes oniriques gravies sur cet album. Pour ce genre de groupe, l’enjeu consiste à éviter de forcer le trait. Une vigilance constante est de mise, tant l’équilibre entre mélodie et lyrisme est précaire. Là réside justement la qualité première de Jesse Tabish : la sophistication de ses arrangements (violons et cuivres, augmenté d’harmonium, chœurs, et autres cloches et gongs) ne dévie en rien le caractère très personnel, voire grave, des compositions. On est très loin des velléités conquérantes d’un Mercury Rev (post Deserter’s Song, cela s’entend). Aucune opulence déplacée sur Tamer Animals, seulement une belle voix grave couchée sur des orchestrations très scénarisées qui suivent le fil d’une écriture affectée.

Cinématique, le mot revient souvent à l’écoute de Tamer Animals. Cordes et cuivres donnent vie à un climax brumeux où rode une armée de fantômes (les cordes hantées de la magnifique ballade "For 12" et la mémorable exode "Landforms"). On a un peu tendance à l’oublier dans la pop, mais un orchestre peut aussi sublimer l’aridité, voire l’épure. L’exemple s’illustre à merveille sur "Desert" »,où l’empreinte du maestro Ennio Morricone, champion inégalé dans ce registre, est perceptible. Sauf qu’ici on serait précisément plus proche du blizzard mortel du Grand silence de Corbucci, que des westerns opéra de Sergio Leone. On aime à penser que l’album propose deux niveaux de lectures : une première, où l’écriture mélodique se veut presque classique - les cinq morceaux rangés en tête rivalisent particulièrement de beauté. Et puis une deuxième plus écrite et mise en scène, tel un mouvement de musique classique. Ce second acte aurait pour décor nocturne un bois à la végétation baroque et impénétrable, grouillant d’animaux furtifs et d’ombres. Fort de ce second album d’une maîtrise stupéfiante, Other Lives vient de faire une entrée très remarquée dans la catégorie des nouveaux parangons de la folk orchestrale, à cheval entre la boiserie progressive et mélancolique de Midlake, les nuances noir/blanc d’un Timber Timbre, et en lointain cousin canadien, les épopées tragiques de Silver Mount Zion. Derrière l’arbre se cache une forêt symphonique. (pinkushion)


A la découverte de "Tamer Animals", deuxième œuvre (oui, on se permet le mot) d’Other Lives, il est difficile de savoir s’il on est là en présence d’une création du futur ou du passé tant l’album semble intemporel. Entre post-rock orchestral et bande originale d’un western d’anticipation, ce quintet d’Américains s’amuse à brouiller les pistes en composant une musique à la croisée des chemins entre indie rock et classique. La faute probablement à son fondateur historique et leader, Jesse Tabish, musicien multi-instrumentiste surdoué, et dont les références assumées sont à chercher à la fois du côté de Godspeed You! Black Emperor et Sigur Rós.Tout à la fois ambitieux, intime et organique, "Tamer Animals" se compose de 11 morceaux (10 chansons et 1 instrumental final) qui racontent chacun une histoire, une scène pourrait-on dire, mais dont la succession dessine un panorama grandiose. La richesse de l’instrumentation crée autant de points de vue, d’angles, de mouvements de caméras qui tissent la trame du film imaginaire dont cet album serait la bande originale. Cordes, cuivres, vents et percussions, c’est presque un orchestre classique entier que les natifs de Stillwater ont convoqué pour soutenir le songwriting narratif du groupe. Le plaisir de l’écoute est à la hauteur de la réussite de ce second opus. Tout commence par "Dark Horse", titre qui plante immédiatement le décor : vagues de trompettes, de cordes, de basson et de percussions se croisent et s’entremêlent pour former une chevauchée fantastique qui fait autant penser à une partition de Saint-Saëns qu’à un morceau de rock. Vient ensuite "As I Lay My Head Down" dont la richesse de la mélodie et des chœurs n’est pas sans rappeler leurs illustres confrères Midlake. Pour ce titre comme pour "Old Statues" qui vient un peu plus loin, l’influence de Morricone est bien présente : il résulte de ces deux morceaux une force d’évocation et une émotion assez incroyables pour des morceaux de ce format. Il est d’ailleurs à noter que l’ambition de la composition n’a pas eu pour conséquence d’allonger les morceaux jusqu’à l’ennui ou l’écœurement : pas un titre de "Tamer Animals" ne dépasse les 5 minutes. La justesse et la force du "discours" résident donc également dans sa concision. "Chaque son a sa raison d’être". C’est Tabish qui le dit lui-même et on veut bien le croire ! Le groupe revendique également l’absence de single sur leur album. "For 12" en a pourtant la stature et l’importance. C’est le chef d’œuvre qui ouvre la voie à la découverte des 10 autres titres de "Tamer Animals". Comme "Roscoe" permettait l’adhésion immédiate à "The Trials Of Van Occupanther" tout en sachant s’effacer par la suite, "For 12" justifie à lui seul la découverte du second album des Américains. Épique, fascinante, la chanson hypnotise par son rythme lancinant et ses nappes de violon suaves. Déjà un classique absolu.Viennent ensuite plusieurs morceaux plus sombres. Le morceau titre "Tamer Animals" qui fait immanquablement penser à The National, "Dust Bowl III" à la sobriété maîtrisée ou "Weather" à l’inquiétante étrangeté. "Woodwind Loop" marque une pause dans l’intensité du récit musical. Respiration salvatrice à l’orchestration pléthorique et dont le titre (littéralement boucle d’instrument à vent) est à prendre au premier degré ! C’est ensuite au tour de "Desert", autre sommet de l’album, autre instrumentation que n’aurait pas reniée Morricone, avec sa mandoline et ses cordes anxiogènes…  Presque 4 min 30 de virtuosité mélodique. Tout se termine comme cela avait commencé près de 40 minutes plus tôt : entre les cuivres, les vents, les cordes et les percussions, autant d’entités organiques qui auront partagé la vedette avec le groupe lui-même et qui auront fait de ce "Tamer Animals" une œuvre somptueuse, épique, indispensable et qui sait éviter tous les excès pour ne garder que la grâce. Déjà l’un des tout meilleurs albums de cette année 2011. (popnews)
Sur les nombreux disques à découvrir qu'on emporte avec soi pour l'été, combien tiennent jusqu'à la rentrée ? Une poignée. Et encore ! Un seul, cette année : le deuxième album (le premier nous avait échappé) de ce quintet de Stillwater, Oklahoma. Ce n'était pourtant pas gagné, tant il déboulait sur un créneau surchargé, celui des barbus bucoliques aux voix d'anges. Sauf que Other Lives explore sur Tamer Animals un territoire musical personnel, subtilement orchestré, positivement enchanteur, qui se situerait à mi-chemin de la majesté harmonique des Fleet Foxes et de la richesse instrumentale de Grizzly Bear. A l'origine, Other Lives était un groupe purement instrumental. D'où le passionnant équilibre qui brille tout au long du disque : les harmonies et chants exquis sont omniprésents sans pour autant être forcés, comme pour souligner l'infinie finesse de l'instrumentation. Violons par-ci, cuivres par-là, xylophone ou délicates percussions à foison tissent une palette sonore aux teintes lumineuses et variées, jamais envahissantes. Tout en maintenant une remarquable unité d'ensemble, Other Lives évite la monotonie en maintenant le cap jusqu'au bout, malgré le sommet atteint dès le troisième titre, For 12. Avec, au hasard, Old Statues et sa simple mais superbe intro morriconienne en diable, Other Lives prouve qu'il n'est pas le groupe d'une seule chanson. (HC)

Paris, 1er septembre. Le premier concert de la rentrée met la barre très haut, parmi les nuages cotonneux où planent les Américains d’Other Lives. Une nymphe secoue des bois de cerfs pour agiter les grelots qui y sont attachés. Des multi-instrumentistes rivalisent de virtuosité en jonglant avec leurs instruments. Un chanteur cabossé, longs cheveux graisseux et barbe hirsute, se métamorphose en leader charismatique. On ne sait plus où donner de la tête, alors on ferme les yeux et on tombe en extase devant la grâce renversante de ces orfèvres, leur souffle épique, leurs infimes touches d’arrangements précieux. Avant de prendre un nouveau départ sous le nom d’Other Lives, en hommage ému au film allemand La Vie des autres, ce quintet a fait ses armes sous le pseudo de Kunek, un nom inadapté à la haute voltige de ses morceaux, alors entièrement instrumentaux. Changement de nom, changement de vie : Other Lives décide d’ajouter à son folk élégiaque la voix de Jesse Tabish, son principal songwriter – pour être plus précis, on parlera plutôt d’une cascade d’harmonies entonnées à tue-tête depuis le toit du monde. Tombés du ciel en plein cœur des grandes plaines de l’Oklahoma, les membres du groupe ont grandi dans la ville de Stillwater, littéralement “l’eau qui dort” dont le proverbe préconise de se méfier. Ça se confirme : derrière leurs airs d’ermites paisibles, ces barbus ont le pouvoir de déplacer des montagnes, de créer le vertige, d’insuffler une force émotionnelle dévastatrice à des chansons faussement calmes. “Vivre entouré de ces paysages ouverts vers l’infini a influencé notre songwriting, explique Jesse Tabish. On voulait visualiser ces grands espaces et écrire la bande-son des plaines de l’Oklahoma.” Tamer Animals est donc un pur produit de son environnement. L’une des réussites du disque, en plus du joyau pas très joyeux For 12, c’est de rassembler une abondance d’arrangements sans jamais tomber dans la surenchère, en jouant avec le silence, dans un exercice équilibriste assez périlleux. Ici, on est entre l’ombre et la lumière, entre l’élégance ténébreuse de The National et les mélodies radieuses des Fleet Foxes, entre les cavalcades d’Ennio Morricone et les méditations minimalistes de Philip Glass. Dans la grande lignée des barbus sensibles qui s’expriment principalement en chorales, Other Lives sort de sa cabane en rondins et arrive déjà à la cheville (voire au genou, voire à l’épaule) de ses concurrents directs, qui en tremblent déjà dans leurs chemises de bûcherons. (inrocks)
La vidéo pour For 12, qui représente le voyage spatial du chanteur et multi-instrumentiste Jesse Tabish, montre un groupe voulant donner l’impression d’être bien établi, ancré dans un inconscient intangible, comme des  influences bienveillantes et insaisissables sur leur territoire (l’Oklahoma). Formé en 2004 sous le nom de Kunek, c’est un groupe d’americana différent de tous les autres. Celui dont des écoutes répétées révèlent force d’éléments dissimulés (trains à vapeur, chansons western avec guitares à l’avenant, clins d’œil cinématiques) avec moins de la patine bucolique qui sied tant aux Fleet Foxes mais autant de mystère occulte que ce qu’on trouvait sur "Helplessness Blues" (2011). Le mystère de la relation de Jesse Tabish à ce qu’il chante s'illustre par For 12 (« I was waiting in the dark age/Searching for the ones in my life/I'm so far away ») tandis que les cordes d’un quatuor s’élèvent et s’effacent comme dans la chanson de Radiohead How to Disapear Completely. C’est dans la ville natale de Tabish, Stillwater, que l’album a peu a peu pris forme. « Ce n’est pas un disque qui a été écrit en le jouant tous ensemble. C’était une chose à la fois. Je ne sais pas combien 16 mois dans un studio nous coûteraient sur la côte ouest, mais c’est sans doute plus que nous sommes capables de payer. Nous avons beaucoup de place et de confort dans le studio ici et la ville est très hospitalière à la créativité. » Le confort a donné naissance à ce disque moelleux, élégant et organique, enveloppant, fascinant pour ses grandeurs et ses cordes. Le groupe laisse le violon inspirer et expirer, s’élever et s’évanouir avec une lenteur presque hypnotique. La musique de Other Lives s’apparente parfois à de la musique de chambre telle qu’elle aurait été interprétée par les gens de la terre ; et accompagnée  d'images les mieux choisies dans leur conscience collective. Dans chaque chanson, le groupe travaille la relation entre une certaine qualité de textes fuyants et contemplatifs, et une façon d’installer des ambiances dramatiques réussies. Dust Bowl III est ainsi particulièrement poignante, évoquant ces tempêtes de poussières qui sévirent, au centre des Etats Unis, durant les années 30. Il devient difficile de replacer le groupe dans un lieu particulier ; comme si le prix de leur plus grande lucidité leur était acquis par une douce aliénation. Comme si le prix à payer pour attendre au sublime était, pour les musiciens eux-mêmes, de disparaître derrière la musique et sa profusion de tons. Other Lives cherche les arrangements possibles entre l'homme et le naturel, les pactes oubliés qui pourraient être conclus pour atteindre une meilleure sérénité. Tabish évite souvent de se montrer prophétique. Weather est peut-être une exception, et l’une des chansons les plus sombres sur "Tamer Animals", avec ses cœurs évoquant le Because des Beatles – les influences pop anglaises sont présentes comme nulle part ailleurs dans le genre – pour un disque souvent mélancolique. (indiepoprock)
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le 11 avr. 2022

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