Dans la rubrique Edwood Vs La Musique, j'aime à moquer de manière grandiloquente la médiocrité de la musique populaire. Une lecture superficielle pourrait faire croire que je n'aime pas la pop. C'est tout le contraire, j'aime tellement la pop que je ne supporte pas son nivellement vers le bas et le fait qu'elle soit essentiellement traitée comme un produit de consommation jetable qui ne suit que des méthodes marketing. Ma pop je l'aime avec de l'âme, des nuances, des idées, des mélodies, des surprises. Et cela tombe bien, cette musique que j'adore se trouve parfaitement résumée en ce début d'année 2015 avec le nouvel album de Susanne Sundfør, Ten Love Songs.


Comme souvent, c'est l'œuvre d'une artiste scandinave, une norvégienne pour être exact, superstar en son pays. Déjà auteur de quatre disques fort intéressants, Sundfør a été transcendée par sa collaboration avec M83 pour la bande originale du film Oblivion. Sa musique s'en trouve épanouie, les mélodies imparables étant magnifiée par des arrangements baroques et une production "cathédrale". La moindre chanson devient un monument épique et une bonne moitié de l'album n'est constituée que de tubes évidents.


Ten Love Songs est aussi un triomphe de timing et de construction. Si certaines chansons sont des singles en or, c'est leur enchaînement au fil du disque qui renforce leur impact. C'est bien simple, la succession des sept premiers morceaux fait partie de ce que j'ai entendu de plus remarquable ces dernières années. L'ouverture lente et majestueuse de Darlings laisse place à la montée en puissance d'Accelerate, qui semble n'exister que comme un immense climax de plus de cinq minutes. Et la chanson suivante, Fade Away, se construit sur les restes d'Accelerate avant de se métamorphoser en une délicatesse bondissante à l'ambiance totalement opposée. Silencer apaise quelque peu le propos avant que l'album ne reparte dans la stratosphère avec Kamikaze. Les dix minutes de Memorial enfoncent le clou, avec une première partie élégiaque et une seconde moitié symphonique qui ne craint ni le kitsch ni l'émotion. Cet enchaînement parfait se conclut avec l'immense Delirious et ses synthétiseurs mitraillettes. Les trois derniers morceaux possèdent encore beaucoup de charmes, mais s'avèrent moins inoubliables aux premières écoutes. Le final sur le morceau le plus acide, Insects, intrigue néanmoins.


Une chose est sûre, Ten Love Songs fait partie de ces disques qu'on a l'impression de connaître depuis toujours. Les refrains restent en tête pendant des heures, des nuits, des jours entiers. A vous de voir s'il s'agit d'une bonne ou d'une mauvaise chose, en tout cas ce n'est pas une, mais bien cinq ou six chansons minimum qui vont vous pirater l'esprit. Dans tous les cas, je ne peux pas tarir d'éloges sur le travail de Susanne Sundfør. Elle a trouvé le moyen de concilier les influences actuelles de la pop, des années 80 aux élans symphoniques, des ténèbres à la légèreté, pour en tirer le meilleur ; avec en prime des textes simples mais évocateurs et touchants, assez proches de ce que Abba pouvait écrire de plus mémorable. C'est un peu l'aboutissement du processus entamé par M83 avec Hurry Up We're Dreaming. Anthony Gonzalez contribue justement à la chanson la plus lyrique, ce Memorial qui restera un des points d'orgue de 2015. A l'image de tout Ten Love Songs, qui s'avère, je l'écris avec suffisamment de recul pour l'assumer sans mal, être un pur chef-d'œuvre. Et probablement le disque de musique pop, au sens le plus noble du terme, qu'il faut absolument écouter cette année.

Ed-Wood
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le 6 avr. 2015

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Ed-Wood

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