Bordel, là on touche à du grandiose.
Quand A$AP Rocky débarque officiellement dans le monde du rap américain avec sa mixtape Live Love A$AP, le public découvre un personnage hybride, autant influencé par des sonorités texanes que new yorkaises. Le natif de la Big Apple ne tarde pas à rentrer dans le panthéon des grands du game, chaperonné par Drake notamment, dans son premier album studio Long Live A$AP.
Alors qu'une carrière d'hyper star aurait pu s'ouvrir à lui, Flacko décide de prendre le mouvement à contre pied avec son deuxième album At Long Last A$AP, qui s'éloigne des codes du mainstream pour proposer un contenu plus personnel, entamant parfois sa descente vers l'expérimental. Et puis, plus rien.
Alors que toute le monde pensait que Rocky en avait fini avec la musique, privilégiant sa carrière dans la mode, le new yorkais revient en 2018 avec son troisième album studio, Testing.
Le ton est donné.
1 : Distorted Records : Quelle intro. Flacko nous fait comprendre le sens de l'expérimental, avec une prod mêlant larsens, bugs et basses bien lourdes. Les textes font mal, et le phrasé est bon, terriblement efficace. On se surprend a vouloir fracasser son crâne sur n'importe quel mur de la pièce.
2 : A$AP Forever (feat. Moby, T.I, Kid Cudi) : Le premier single de l'album, celui ci peut décevoir par son aspect un peu facile dans le sampe de Moby, et la promesse non tenue d'un T.I en featuring (il ne fait en effet qu'une introduction parlée), ce qui a titre personnel ne me dérange pas mais qui peut légitimement faire rager quelques puristes. Sinon le titre est plutôt fédérateur, Rocky nous livre un couplet très correct, hommage au Mob, et Kid Cudi s'intègre très bien sur les productions de Clams Casino (on se demande d'ailleurs comment la connexion n'a pas eu lieu avant).
3 : Tony Tone : Bang. Flacko nous rappelle que dans cette génération des '10s (a savoir respectivement Big Sean, Drake, Kendrick Lamar et autres Future), il n'a clairement pas à rougir quand il s'agit de rap pur et dur. On ressent directement une certaine influence new yorkaise sur l'instru, et le flow dévastateur de Rocky nous expédie dans l'espace. On notera l'intervention de Diddy qui valide le fondateur de l'A$AP Mob et tout son crew en introduction. La boucle est bouclée.
4 : Fukk Sleep (feat. FKA Twigs) : Coup de coeur de l'album pour ma part, ce morceau ne ressemble à rien d'autre dans le petit monde du rap américain. Ici les deux artistes se livrent à des envoutements vocaux mystiques, très sensuels, et nous plongent dans une transe hyper agréable. La prod est bien pesante par la même occasion, l'une des meilleures de l'album. FKA Twigs se révèle par ailleurs au grand public, et ne fait pas pâle figure face au rappeur.
5 : Praise The Lord (feat. Skepta) : Définitivement le banger de l'album, l'hypertube que les fans de Rocky ne soupçonnaient plus. Le sample est malin, les flows ravageurs, les textes hyper efficaces, la connexion parfaite, bref Skepta et Rocky connaissent la recette pour une collaboration réussie, et nous le démontrent ici encore une fois.
6 : Calldrops (feat. Kodak Black) : Rahhhhhhhh... Pourquoi tu fais ça Rocky...? Alors ok, Kodak en prison c'est triste, il pouvait plus poser depuis quelques mois, mais de là à intégrer un enregistrement d'un appel téléphonique depuis la prison, posé sur une intru minimaliste au possible, avec évidemment une qualité sonore médiocre... Non la c'est niet, et pire encore ça casse le rythme de l'album.
7 : Buckshots : Ah, de retour avec un autre petit banger, Buckshots est un peu un hymne au pogo. Flacko arrive pourtant à jongler entre rap et mélodies, aidé par un Playboi Carti en invité surprise, et étonne avec ce morceau. On est pas sur du mémorable au niveau des paroles mais l'objectif n'est pas là et ça ne dérange donc pas du tout.
8 : Gunz N Butter (feat. Juicy J) : L'histoire d'amour musical entre Juicy J et A$AP Rocky ne date pas d'hier, et chaque featuring chez le New Yorkais permet à Juicy de déployer des talents insoupçonnés d'écriture ou de musicalité. En apparence et à la première écoute ce titre n'est pas le plus simple d'accès, mais après quelques fois on y décèle un vrai potentiel.
9 : Brotha Man (feat. French Montana) : Un peu le même schéma que sur le dernier titre ici, à ceci près que l'on sent bien que c'est Rocky qui a tout fait dans celui la. French Montana n'a jamais été un très bon rappeur, et je suis toujours surpris de voir que chaque membre de l'A$AP Mob persiste à vouloir l'intégrer a leurs albums. Rocky devait vraiment vouloir lui faire plaisir en l'intégrant à Testing, quitte à écrire absolument tout le son.
10 : O.G Beeper : Injustement décrié à mon gout, ce titre n'est en effet ni un profond morceau ni un banger hyper efficace, mais plutôt une suite de tests assez réussis. On peut regretter des flows un peu prévisibles malgré tout.
11 : Kids Turned out Fine : On entame la partie de l'album que la mainstream ne validera pas, mais qui est en réalité certainement la plus travaillée, à savoir l'apogée de l'expérimental. Sur ce titre, mélancolique, doux et pop, Flacko se réessaye au chant, un exercice qu'il maîtrisait déjà depuis le tant apprécié L$D.
12 : Hun43rd : Pour ma part, celui là, bien que très mystique, est un autre coup de coeur. Certains passages acoustiques rentrent vraiment en tête, et on se surprend à totalement faire abstractions des textes (alors qu'ils sont excellents) pour se laisser porter par une vibe rarement explorée dans le rap Us.
13 : Changes : Morceau très original, ce titre se décompose en plusieurs parties, dans lesquelles Flacko se livre comme il l'a rarement fait, évoquant amours de jeunesse, erreurs et j'en passe. Un titre qui fait vraiment penser à ce que peut livrer Frank Ocean en terme de mélodies tremblotantes, un petit bonbon pour les oreilles.
14 : Black Tux White Collar : Encore une autre très bonne surprise, accompagnée cette fois également d'un Playboi Carti surprise sur les adlibs, ce titre mêle un rap assez traditionnel sur le début du titre à une ode envoutante en deuxième partie, le tout sur un fond plus ou moins engagé, on saluera l'effort d'originalité.
15 : Purity (feat. Frank Ocean) : Quand on parle du loup... Frank Ocean était sans aucun doute l'invité le plus logique pour un album expérimental, et son utilisation en outro en est toute digne, on plane vraiment sur ce titre très touchant, et l'album se conclut de très belle manière, en douceur.