Le combat est loin d'être terminé! Si les Farcs s'enlisent et perdent peu à peu de leur puissance dans leur revendication après la mort de leur chef et la libération tant attendue d'Ingrid Bétancourt, le rappeur Immortal Technique, lui, reprend du service et dépoussière ses coups de gueule monumentaux envers la société. Accompagné de Dj Green Lantern derrière l'artillerie, il nous emmène dans "The 3rd World" ("Tiers Monde") avant le troisième volume de ses écrits plus que jamais révolutionnaires. Une mise en bouche appréciable vues les piètres dernières mixtapes, bootlegs et autres compositions sorties sur son dos. Si le temps en studio lui a manqué, c'est en raison de son activité sur le terrain qui elle a été décuplée. Une responsabilité, un discours qu'il porte dans tout le pays à travers d'innombrables associations : jeunes, membres de gang, soldats, prisonniers,... tous ont pu débattre avec le rappeur qu'on compare au Che Guevara du Hip Hop. Friand de l'échange des opinions et du vécu de chacun, il a organisé avec des étudiants un concours récompensé qui dissertait justement de leur vision et/ou de leurs expériences à propos des relations entre les États-unis et ce que l'on désigne comme le Tiers Monde. A défaut d'avoir déjà le résultat ça va s'en dire qu'il a pu puiser de l'énergie et des idées dans ces essais remplis de ressentis. Immortal Technique sait très bien de quoi il parle. Si vous connaissez déjà un petit peu son parcours et sa biographie vous savez qu'il est venu au monde dans un hôpital militaire au Pérou avant de fuir la misère pour enfin vivre du côté d'Harlem où il fit la connaissance d'autres problèmes sociaux. Une lutte contre les défauts de la société qu'il mène dans ses morceaux, ses battles, depuis des années maintenant.

Cet opus underground est en quelque sorte le porte parole de ceux qui ne peuvent justement pas s'exprimer, de ceux qui vivent au quotidien dans la pauvreté, la souffrance, de ceux qui luttent pour une cause sans pouvoir faire grand chose, une voix du peuple qui appuie là où ça fait mal. Et c'est justement là le point fort du new-yorkais, sa rage se répercute à la fin de chacune de ses punchlines ré-ouvrant violemment des plaies étouffées. Une marche funèbre est organisée au commencement de l'album ("Death March"), le point de départ d'une révolte qui s'annonce imminente, peu importe si l'issue est fatale et à Green Lantern de conclure: "You can't take out a revolution / You can't kill an idea [...]". Une intro pour la track éponyme que l'on retrouve plus tard dans laquelle il nous décrit d'où il vient (Ndlr. Third World) à base de phrases chocs ce qui file un réel coup de massue sur la réalité du monde mais nous cultive aussi énormément avec de multiples références ce qui prouve que le bonhomme est loin de cracher sans savoir.

Chaque rappeur est attaché à son quartier, narrant les épisodes qui s'y sont déroulés tout en le glorifiant. Mais ayant grandi au nord de Manhattan dans le quartier si historique d'Harlem, si l'on croise les sujets géographie et économie Immortal Technique aura toujours plus de choses à raconter que n'importe quel autre ghetto américain. Il nous avait d'ailleurs fait partager l'humeur de son bitume sur une de ses anciennes tracks, "Harlem Streets". Cette localité a un tel passé derrière elle, a évolué d'une telle manière depuis, et encore aujourd'hui rien que le fait de dire son nom ça a une telle signification qu'on comprend mieux sa colère lorsqu'il dénonce ce qu'ils en ont fait sur "Harlem Renaissance" et essaie de revigorer l'image du vrai Harlem, celle qui se cache sous cette misérable couche de peinture. Autre morceau qui se dégage du lot, "Mistakes" dans lequel il se met à chaque couplet dans la peau d'un personnage qui raconte une grosse erreur qu'il a commise dans sa vie, avec une morale somme toute prévisible derrière. L'histoire qui retiendra le plus notre attention et nous fera esquisser un sourire c'est lorsqu'il raconte l'aventure d'un jeune artiste pris en main par une major qui voit la vie en rose car celle-ci s'occupe de tout pour lui mais qui au final l'escroque et regrette de ne pas avoir été en indépendant comme Immortal Technique.

Le gros point faible du disque reste le niveau des productions qui manque bien souvent d'effervescence. On a dû mal par exemple à accrocher à la pourtant prometteuse triplette Immortal/Chino XL/ Crooked I sur "Lick Shot" qui par contre textuellement frappe très très fort avec ces deux invités qui ne font pas semblant lorsqu'il débarque. C'est là qu'on se dit qu'il est dommage que le rappeur ne soit pas mieux épaulé car si les instrumentaux avaient été du même level que ses textes, l'addition aurait été plus sévère. On ne va pas tout vous dévoiler non plus, à vous de découvrir la composition restante de cette mixtape qui pèse lourd. Peu de gens y verront une exagération si on déclare qu'il s'agit de la plus belle plume actuelle du Hip Hop Us, à chacune de ses phrases on s'enrichit un peu plus et on se dit qu'on mourra moins con. Le plus underground des rappeurs underground, celui dont on est sûr qu'il dira toujours ce qu'il pense, sans donner son cul ou être transformé par une major, livre ici un mini cocktail molotov de plus à son palmarès.
Bobby_Milk
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le 21 déc. 2011

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