Le White Album, disque mythique, reconnaissable entre tous grâce à sa pourtant bien sobre pochette, marque un retour aux sources pour les Fab Four, qui, après le strastophérique tryptique d’expérimentations psychédéliques sous acide (Revolver, Sgt. Pepper, Magical Mystery Tour), décident de s’exiler en Inde, auprès du Maharishi Maresh Yogi et d’autres célébrités occidentales telles Mia Farrow. Profondément marqués par la mort prématurée de leur manager Brian Epstein, les Beatles commencent à doucement se fissurer et l’écriture ainsi que l’enregistrement de l’album se veulent plus chaotiques et individualistes que jamais, tout en restant incroyablement prolifiques.
Le produit final émerge finalement, malgré les dissensions naissantes au sein du groupe : Les 4 garçons dans le vent aboutissent à un vaste melting pot de toutes les idées qui ont pu leur venir pendant ces derniers mois, et atteignent un nouvel fois le paroxysme de leur art. Alors que Lennon renoue avec ses premiers amours rock’n’roll et multiplie les hommages à ses idoles, en particulier Chuck Berry, avec des titres comme Birthday ou encore Everybody’s Got Something to Hide Except Me and My Monkey, mais aussi blues avec Yer Blues, McCartney continue d’écrire des chansons pop aux ritournelles parfois injustement raillées à l’instar d’Ob-La-Di, Ob-La-Da (dont le titre est en réalité issu d’un dialecte nigérian) ou de Rocky Raccoon, tandis qu’Harrison écrit ses plus belles balades au sein des Beatles, en particulier While My Guitar Gently Weeps, magnifiée par l’impeccable guitare de son ami Eric Clapton. Même Ringo, jusqu’alors dans l’ombre de ses illustres compères, s’adonne à l’écriture via la passablement réussie Don’t Pass Me By.
L’expérimentation n’est cependant pas en reste sur ce disque profondément fragmenté et sans cohérence apparente, que ce soit Harrison avec le clavecin de Piggies, Lennon avec l’abstraite (voire inécoutable) Revolution 9 ou encore McCartney avec la puissante et fracassante Helter Skelter, chanson-manifeste du hard rock, inspirée par I Can See for Miles des Who.
En définitive, une œuvre à part, hors du commun, qui n’aura de cesse de vous dévoiler ses indénombrables subtilités au fil des écoutes.