The Bends est le premier chef d'oeuvre de Radiohead. Les progrès accomplis depuis Pablo Honey sont manifestes : aucune chanson du deuxième album n'est inférieure en qualité à un morceau du premier, si on met "Creep" de côté. C'est aussi l'album où les paroles de Thom Yorke sont les plus personnelles, et peut-être les plus optimistes. Le groupe a quelque chose à nous dire sur la société, les rêves, l'amour.
Radiohead pratique son rock alternatif à merveille, les guitares se superposent dans une harmonie parfaite, avec plein d'effets, et la voix de Thom Yorke fait ressortir des émotions authentiques et parfois imprévisibles. Chaque morceau a une ambiance unique. "Just" et "My Iron Lung" sont des prouesses de rock déchaîné où Jonny Greenwood se fait plaisir à la guitare tandis que "High and Dry" et "Fake Plastic Trees" sont des ballades d'une grande beauté.
La plupart des morceaux se situe entre les deux. Ainsi, le morceau éponyme "The Bends" est à la fois doux et dynamique. La douzième et dernière perle de l'album, "Street Spirit (Fade Out)", est la plus forte émotionnellement. Il y est question de l'angoisse de la mort, et Thom Yorke ne supportait d'entendre le public accueillir ce morceau avec joie lors des concerts, alors qu'il était persuadé que c'était le Diable en personne qui lui avait inspiré la mélodie ensorcelante.
Que pouvait-on espérer après un tel chef d'oeuvre ? Peut-être que le groupe continue sur la même lancée, en se disant qu'ils n'arrivaient jamais à dépasser The Bends... Puis le miracle se produisit : OK Computer arriva, avec ses idées toujours plus radicales mises en œuvre avec toujours plus de talent. Davantage que surpasser The Bends, cet album réinventera le rock alternatif une deuxième fois en l’espace de deux ans.