Après une courte introduction instrumentale, guitares pompières, orgue au rabais et la voix qui s’élève paresseusement comme un succédané moderne d’Alan Parsons Project (Like The Ocean, Like The Innocent Pt. 2: The Innocent). Le truc difforme, infâme, à placer dans une pub Haribo pour faire fuir les marmots en surcharge pondérale. Et puis ce qui ne devait pas arriver arriva : Chicago Train, les violons malingres, le piano timide et la voix de Jace Lasek, si irritante au début, caresse à présent l’échine avec la délicatesse d'un ange, s’ensuit cette montée en puissance faite de bourrasques guitaristiques et d’harmonies vocales ondoyantes. La chanson, intense, redoutable, qui remplacerait aisément Dark Side Of The Moon pour tester les enceintes à papa. Avec Albatross, c’est de l’adoucissant enveloppé d’une couverture shoegazing, My Bloody Valentine qui aurait engrossé Mazzy Star dans un bordel dont le tenancier ne serait autre que Brian Wilson, le sourire encore distinct d’avoir contribué à la création de ce shoot sauvage mais néanmoins lénifiant. L’enchaînement de ces deux ascensions épiques justifie à lui seul l’achat, ou à défaut l’écoute, de cet album. Le reste navigue entre lyrisme progressif d'assez mauvais goût et psychédélisme miraculeux, voire somptueux quand il est entonné par Olga Goreas (la régulière de Jace) comme sur Albatross (Land Of The Living Skies Pt. 1 & 2, The Lonely Moan). Ce deuxième Lp de The Besnard Lakes n’est pas mauvais, juste cochonné par d’irresponsables surdoués. Et en admettant qu'ils parviennent, dans un avenir proche, à se débarrasser de leur penchant pour le soft rock des seventies, ces inconscients-là pourraient bien nous pondre un chef-d'œuvre. On leur pardonnera alors d’avoir brillamment salopé celui-là. (magic)


Au temps jadis, n’importe quel punk raisonnable aurait d’emblée brandi une arme blanche à la vue de cet objet. Ces Besnard Lakes accumulent en effet les tares : pochette flammée peinte à l’acrylique par une amie artiste, chansons aux intitulés cosmiques, souvent constituées de part one et part two, le tout emballé sous un titre aussi éloquent qu’une poésie de Dominique de Villepin, “Les Besnard Lakes sont la nuit hurlante”. Dernière précision, les Canadiens responsables de ce disque auraient cultivé la fâcheuse habitude d’improviser avec quelques compatriotes à barbes, rien moins que le collectif Silver Mt Zion ou les insoutenables Godspeed You! Black Emperor. Bonne nouvelle, il n’est nullement ici question de post-rock amorphe. Les époux Jace Lasek et Olga Goreas puisent leur force créatrice aux meilleures sources : Beach Boys période sombre, Bee Gees pré-disco, Phil Spector. Pas forcément des noms souvent cités par leurs amis néo-hippies. Pour son troisième album, trois ans après l’imparfait “... Are The Dark Horse”, le groupe de Montréal a eu le bon goût d’assembler un enchantement électrique de huit titres. “... Are The Roaring Night” permettra d’oublier une centaine de mauvais disques sortis ces dernières années, prétendus hypnotiques et vraiment ratés. La longue intro faite de feedback et d’ondes synthétiques aboutit sur une splendeur mélodieuse et pourtant digne des meilleures démonstrations heavy rock soixante-dix. Sur un tapis de guitares mastoc, le couple harmonise des paroles pleines de candeur : “Tu es comme l’Océan, tu es comme l’innocence”. Le groupe est au diapason et use sans honte des astuces les plus éprouvées : cymbales martelées à l’aide de mailloches, montées grandiloquentes dignes de Pink Floyd (“Light Up The Night”), murailles de larsen (“And This Is What We Call Progress”), cordes mélancoliques, etc. Coup de force, les Besnard Lakes sont une formation accueillante, capable de rassembler les amateurs de psychédélisme seventies et la secte des adorateurs du glacial “Loveless” de My Bloody Valentine. Les échos métalliques d’ “Albatross” ou l’atmosphère cotonneuse de “The Lonely Moan”, chantée d’une voix d’hôtesse de l’air par Olga, en témoignent. Dans ce lot, la meilleure plage se nomme peut-être “Chicago Train”, à nouveau une rêverie qui évolue en composition des grands espaces, à la hauteur du meilleur Brian Jonestown Massacre. Broder une musique aussi étirée et grandiose nécessitait la plus grande prudence. Les Canadiens ont évité les gouffres et bavardages sans jamais s’écouter jouer. Jace Lasek, le chanteur aux lunettes fumées, exerce la profession d’ingénieur du son. Toute l’année, le garçon enregistre les groupes locaux dans son laboratoire personnel, le Breakglass Studio. Lasek a pris son temps, écouté, peaufiné la production et évité de réitérer les erreurs commises par ses collègues montréalais. Pour l’anecdote, ces quarante-six minutes phénoménales ont été enregistrées sur la console Neve qui a servi à mettre en boîte “Physical Graffiti”. La magie n’est pas que dans la console. (rock n folk)
Lorsque les Besnard lakes avaient débarqué en 2007 avec "Are the dark horse", on avait eu l'impression d'avoir affaire à de vieux briscards alors qu'il s'agissait pourtant de leur premier véritable album. Mais il est vrai que leur CV qui attestait de leur investissement dans de nombreux autres groupes canadiens de l'époque (Stars, Dears...) et la longue liste d'albums déjà produits par leur leader avait un peu brouillé les pistes. En outre, cette impression était peut-être aussi renforcée par le sentiment d'écouter une musique mature et qui prenait ses racines du côté des années 70 plutôt que dans la pop indé de ces dernières années. "Are the roaring night" s'inscrit dans la même lignée que son prédecesseur. Pochette soignée, qui contribue à l'identité du groupe, et, au niveau musique, de grandes plages psyché où s'éclatent des guitares décomplexées qui font plein de notes, des cordes... Et tout cela paraît d'une telle évidence qu'on en oublierait presque le tour de force que réussit ce groupe, à savoir nous faire aimer tout ce qu'on a souvent détesté : l'emphase, la trop grande "virtuosité" des groupes des années 70 apparus dans la lignée de Pink Floyd et Genesis et qui avaient donné vie à ce qu'on appelait alors le rock progressif, synonyme pour tout amateur d'indie pop qui se respecte de genre à fuir au plus vite. Et pourtant, dès son dyptique Like the ocean, like the innocent pt. 1 & 2, les Besnard lakes parviennent à en extirper le meilleur (le souffle, la verve musicale) tout en laissant le pire de côté (la grandiloquence, la surenchère dans l'empilement des instruments et des arrangements). Mais les Besnard lakes ne doivent pas pour autant être réduits à un groupe nostalgique chargé de redorer le blason de glorieux aînés. "Are the roaring night" est avant tout une superbe matrice à morceaux à géométrie variable, où les guitares savent parfois se faire brumeuses et grondantes, telles sur Albatross, qui cette fois évoquera l'esprit des éternels My bloody valentine, plus éthèrées sur la superbe ballade Land of the living skies. Se révèle enfin une capacité à bousculer les dynamiques traditionnelles sans tomber dans l'alambiqué qui fait la réussite éclatante du splendide Light up the night : un démarrage calme, presque recueilli, avant une montée qui culmine dans la déclamation d'une phrase musicale exacerbée par les guitares et les violons. Les Besnard lakes signent donc un nouvel album qui ne cherche pas la surenchère, mais qui par sa capacité à assembler des éléments et des dynamiques qui ne sont pas à la portée des premiers venus, se révèle une sacrée belle boîte à idées . (indiepoprock)
Après 3 années de repos bien mérité, les Montréalais de Besnard Lakes nous reviennent avec la suite attendue de leur "Dark Horse", premier véritable album du groupe après un essai raté en 2003 ("Volume 1"). L'accueil positif reçu en 2007 n'a pas incité nos québecois à se reposer sur leurs acquis, bien décidés au contraire à faire la différence pour ce troisième opus. Le résultat, un disque plus personnel et esthétiquement moins vendeur, même si le groupe n'y va pas autant qu'on le souhaiterait dans sa logique émancipatrice. Ne boudons pas notre plaisir, il est clair que celui-ci maîtrise désormais ce qui a fait son succès, un post-rock ballotté entre deux pédales à effets servi par un chant aérien sur mesure. Pour ce nouvel album, Jace Lasek et ses musiciens ont clairement privilégié une composante atmosphérique, sous un habillage très progressif. Ces voix illuminées par les guitares rugissantes ont su échapper à la structure monotone des morceaux pour offrir un rendu musical plus ample qu'auparavant. Il se dégage paradoxalement de l'écoute un sentiment d'etouffement, comme piégé à l'intérieur d'une bouteille, en raison d'une rythmique assez immobile - "Like The Ocean, Like The Innocent Pt. 1: The Living Skies" - et de l'utilisation répétée de thèmes identiques au sein de plusieurs morceaux - "Like The Ocean, Like The Innocent Pt. 1: The Ocean" ; "And This Is What We Call Progress" ; "Light Up The Night". L'ensemble se révèle des plus agréables bien qu'incertain, le groupe préférant une fluctuation musicale permanente à une pop sage et rangée. En jouant sans arrêt sur les variations mélodiques, les Besnard Lakes imprègne leur musique d'une curieuse harmonie, mariage improbable d'un Beach Boys ("Good Vibrations") et d'un Archive ("Lights").Ce "Roaring Night" souffre néanmoins d'un léger déséquilibre, causé peut-être par une envie de trop vouloir bien faire, rendant le tout inutilement sophistiqué. Les Besnard Lakes s'emmêlent quelque peu les pinceaux, perdent le fil, toujours tiraillés entre le désir d'une pop efficace et d'un expérimentalisme raffiné. De morceaux intermédiaires un peu plats ("Land Of Living Skies Pt. 1: The Land "), on enchaîne au contaire avec d'autres très (trop ?) bien menés - "Chicago Train", "And This Is What We Call Progress", le morceau phare de l'album – ne manquant pas de créer une légère déception. Le voyage nocturne s'achève tout de même sur une note positive avec l'excellent "The Lonely Moan", sorte de slow rêveur et sombre, comme si on invitait Julie Cruise à rechanter son "Falling" d'il y a 20 ans, rien qu'une dernière fois... (popnews)

Un rugissement court dans la nuit : The Besnard Lakes, combo montréalais, déchire les ténèbres avec son troisième album Are the Roaring Night. Brillant. Dans la foule des formations pop qui, aujourd’hui, aiment à jouer des choeurs, chacun tire son épingle du jeu avec plus ou moins de réussite, suscitant parfois un intérêt éphémère, provoquant souvent un ennui poli. L’accumulation de pistes, la juxtaposition de voix et d’instruments participent, en effet, à une même visée : parvenir valeureusement à l’harmonie et s’accrocher — enfin — à cet agencement si méticuleusement élaboré. Le beau serait l’ordre, débarrassé de toute impureté. The Besnard Lakes Are the Roaring Night se situe précisément à l’opposé : il est un lieu où l’harmonie constitue le terrain originel fragile au sein duquel éclate le chaos. Résolument ancré dans une double filiation — Beach Boys vs rock progressif — l’album, plus qu’une suite de morceaux, est un ensemble articulé, fait de flux et de reflux, lovant progressivement et patiemment l’auditeur dans un cocon tissé de claviers psyché, de cordes et de chants aigus et vaporeux, pour ensuite l’en déloger par vagues électriques successives. Organique, le disque respire, s’apaise et explose tour à tour. L’équilibre initial constitue alors un espace où tutoyer le mauvais goût en déployant des guitares héroïques — que ne renieraient pas un Iron Maiden sous Zoloft — noyées sous d’épaisses nappes ; où oser des lignes de chant à la limite du kitsch et du grandiloquent. Et rattraper alors l’ensemble par une batterie hiératique. The Besnard Lakes n’appartiennent pas à ces artistes pour lesquels la beauté ne saurait provenir que d’une implacable maîtrise. Ils sont de ceux avec qui elle naît dans la proximité de la laideur et de l’abîme, dans une suite d’écarts entre plénitude et néant. Are The Roaring Night expose ainsi la potentialité de la disparition, dans une tentative de percer les ténèbres pour se maintenir à flot (“Like the Ocean…”) et laisser brillamment, à l’image de la couverture de Volume 1, leur premier opus, surgir une lumière dans la nuit (« How’d you light up the light », “The Lonely Moan”).(pinkushion)

bisca
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le 13 mars 2022

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