La dernière tournée de Zappa aura démontré en 1991 et trois albums officiels conséquents que le musicien, atteint par la maladie, en avait encore sous le coude. Fort d'un catalogue naturellement conséquent, il était logique de diviser les disques en autant d'ambiances différentes, soit presque six heures de régalades, de performances guignolesques où les marionnettes manipulées par Zappa en prennent plein la tronche (les politiques, les flics, les télévangélistes...) et, parce que les musiciens touchent quand même pas mal leur bille, des revisites soignées de grands classiques du patrimoine musical le plus moustachu du vingtième siècle.
Le ton est rapidement donné avec le flop cocasse suscité par l'absence de Johnny Cash, qui devait se produire un beau soir d'avril avec le groupe : Ring Of Fire sera la vanne du soir, placée de façon pas si discrète sur plusieurs morceaux du répertoire. En estimant que son groupe était au sommet de sa forme, Frank Zappa conçoit une sorte de live ultime, un best-of de grande tenue qui fait la part belle aux coups de coeur (en toute logique) de ses fans où les réorchestrations font briller hard rock, reggae, cabaret, jazz, dans une ambiance tantôt colorée et délicieusement festive (Cosmik Debries), tantôt recouverte d'une épaisse fumée de cigarette où l'on devine un genre de bar clandestin malsain qui passe Zoot Allures (interprété ici avec maestria) et où trainent des verres de whisky à moitié vide sur des tables, des types louches, comme un petit climax musical à lui tout seul. Ce genre de performances ne sera pas la seule.
Réputé pour ses reprises respectueuses du matériau original, TBBYNHIYL (la vache) en glissera un paquet dans son second disque. Honnêtement, le Beluga du premier disque laisse place à des oeufs de lompe. On s'en tartine un peu plus sur la tranche car ce n'est pas mauvais, sans pour autant être ému. Florentine Pogen vaut tous les Purple Haze et thèmes du Parrain. Le synclavier, quand même, c'est pas terrible. Oui, Stairway to Heaven est émoustillant car la section cuivres fait quand même un travail colossal et les gens de bon goût préfèreront le Andy de Zappa que celui des Rita Mitsouko. Comme si ce n'était pas suffisant, *Inca Road*s et ses variations free jazz et Sofa #1, toujours magique, sont programmés. Il ne manquerait plus que le medley Yellow Snow pour aller se coucher sereinement.