En 1969, les membres de Fleetwood Mac version Peter Green sont en tournée aux Etats-Unis et ils y cartonnaient littéralement, donnant un coup de fouet aux vieux blues dans des prestations incendiaires. En janvier 69, en pleine tournée, le groupe s’arrête à Chicago pour y enregistrer avec quelques-uns des musiciens légendaires de l’écurie Chess (Otis Spann, Buddy Guy, Willie Dixon, S.P. Leary, Honeboy Edwards…). Le courant passe si bien entre Otis, ancien pianiste de Muddy Waters, et les musiciens britanniques qu’ils ont l’idée d’enregistrer tout un album ensemble. Mais Otis insiste pour que son ami SP Leary, soit à la batterie. C’est la raison pour laquelle Mick Fleetwood n’y participe pas. Les autres membres sont bien là à commencer par Greeny, toujours brillantissime à la gratte et au jeu inimitable qui va marquer fortement un musicien comme Gary Moore. Il est assisté par Danny Kirwen à la 2e guitare et John McVie à la basse. Manque enfin Jeremy Spencer qui est resté à Londres pour travailler sur son disque solo.
Etrangement, The Biggest Thing Since Colossus n’est pas le 33-tours le plus connu du pianniste/chanteur. Pourtant il offre un Lp explosif de Chicago blues urbain fusionnant avec le british blues boom. Flagrant dans les blues rock « It Was a Big Thing », « Dig You » et « She Needs Some Loving » sans parler que c’est limite hard rock avec le tribal « Walkin' ». Eh oui, le Fleetwood Mac de ces années-là a ouvert la voie au hard rock, c’est évident quand on écoute les concerts de 68 à 70 ! Dès les premières notes du titre d’ouverture, « My Love Depends On You » sur un tempo lent au climat cafardeux, on reconnait le style étincelant de Peter Green à la guitare qui croise le fer avec le jeu bavard et boogie du pianiste accompagnant un chant grave, rauque, chaud. L’ensemble est particulièrement réussi et leurs 2 styles se marient à merveille. On est dans le même registre stoner avec « I Need Some Air » mais surtout les 6 mn torrides de « Temperature Is Rising (100.2°F) », quel feeling bon sang dans la guitare de Green, pourtant jamais vraiment reconnu comme un égal du trio Clapton-Page-Beck et c’est injuste. Les musiciens nous offrent aussi une magnifique balade remplie de spleen, un soupçon exotique avec « Ain’t Nobody’s Business » du crooner Jimmy Witherspoon. Pour le reste nous sommes dans la pure tradition du Chicago blues avec les rythm’n’blues « No More Doggin' » de Rosco Gordon et « Someday Baby » en conclusion. « The Biggest Thing Since Colossus » sera le dernier album studio en tant que leader du vivant d’Otis Spann. Il décède le 24 avril 1970 âgé de moins de 50 ans. Un album qui possède donc une saveur un peu particulière et que les fans de Greeny ne peuvent ignorer.