Ce coffret de 8 CD regroupe les enregistrements de Miles et son 2nd Quintet enregistré à Chicago les 22 et 23 décembre 65 (2 CD pour le 2nd set du 22 décembre). La santé de Miles n’était pas optimale à ce moment-là : il avait subi une opération de la hanche et avait été hospitalisé jusqu’en juillet. En août il s’est cassé la jambe, d’où nouvelle hospitalisation et pose d’une prothèse de hanche. Il peut enfin reprendre les concerts avec Hancock, Shorter, Carter et Williams à l’automne. C’est dans ce cadre qu’il joue 2 semaines à Chicago pour les fêtes de fin d’année, du 21 décembre au 2 janvier. Le groupe s’est désormais installé dans une sorte de routine après avoir été un formidable laboratoire. D’où la volonté des musiciens, à l’instigation de Tony Williams, de briser cette routine relative qui bien que confortable, les laissait un peu frustrés. C’est ce dernier, sans en parler à Miles, qui propose aux 3 autres de jouer de « l’anti-musique », repousser leurs limites en tant que musiciens et qu’ensemble cohérent en jouant ce qui n’est pas attendu (par eux et le public). Il s’agit donc de prendre à nouveau des risques, en quelque sorte. D’où le défi de ces concerts au Plugged Nickel avec des setlists constituées presque uniquement de standards, à de rares exceptions près comme « So What » (« Stella by Starlight », « I fall in love too easily », « My Funny Valentine » ou encore « Round Midnight »).

Sur ce répertoire-là, les musiciens s’amusent à improviser et à emmener la musique dans de nouvelles directions, affirmant une grande liberté. Traités de cette manière, les standards deviennent souvent difficiles à reconnaître, le groupe ne gardant que la mélodie pour jouer ensuite avec et improviser, chacun devant surprendre les autres et proposer une direction inattendue. Shorter a parlé à cette occasion de « repousser les limites » et c’est de ça dont il s’agit. Quant à Miles, il n’en a jamais parlé à ses musiciens mais a suivi ce mouvement sans doute avec infiniment de plaisir, lui qui ne détestait rien tant que faire du sur place. Hancock en réécoutant les enregistrements a raconté avoir eu un choc : « Je dirais que c'était profond, sauf que le mot « profond », pour moi, implique quelque chose de profond et d'élégant. Ce n'était pas élégant. C'était nu et avait du cran. C'était brut. À ce jour, quand j'écoute des enregistrements du Plugged Nickel, je suis assommé par leur intensité brute et leur honnêteté. ». Le pari était risqué mais il est hautement réussi, le dialogue était permanent entre Miles et Wayne, Hancock est impérial de finesse et de justesse, quant à la rythmique de Ron et Tony, elle est fabuleuse de créativité et d’efficacité. Ce coffret est un chef d’œuvre du jazz, une pierre marquante qui a redéfini le quintet de jazz et qui a inspiré jusqu’à aujourd’hui de nombreux musiciens. Il existe un CD simple qui compile des morceaux de ces soirées pour les néophytes, le coffret intégral restant rare à un prix raisonnable aujourd’hui.

JOE-ROBERTS
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le 3 déc. 2024

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