Chaque écoute d'un album de Pink Floyd est une expérience, un voyage lumineux et psychédélique vers les sommets de la musique. Si le quatuor de génie composé par Gilmour, Waters, Mason et Wright avait déjà fait ses preuves avec des pièces de génie tel qu'Echoes dans leurs précédents albums, c'est bien The Dark Side of The Moon qui vient confirmer leur indéniable talent.
Qu'on se le dise très clairement, The Dark Side of the Moon est à mes yeux, un album parfait. Ce que j'entends par parfait, c'est que quand je l'écoute, je n'ai aucun reproche à lui faire, aucune note que je voudrai voir changée, aucun vers que je voudrais modifier. Il peut y avoir certains morceaux que je n'adore pas, mais pour rien au monde, je les supprimerai de l'album car ils ont autant leur place qu'un autre. Cet album forme un tout, une cohérence indéniable dont seul Pink Floyd en a la recette.
Chaque morceau explore un problème de société, que ce soit l'argent avec le mondialement connu Money, le temps perdu avec Time ou la folie avec Brain Damage et Eclipse, en quarante-cinq minutes d'écoute, vous allez vivre l'expérience auditive la plus parfaite de votre vie. Pas la plus émotionnelle, pas la plus touchante, mais la plus planante.
Écouter The Dark Side of The Moon, c'est comme être face à Einstein qui vous sort ses théories mathématiques. Vous faites oui de la tête, vous approuvez chacun de ses dires, car vous savez que le gars a raison, et vous savez que vous êtes à mille lieux inférieur à cet homme. The Dark Side of The Moon me fait cet effet, écrasé par la virtuosité des compositions ou de la beauté des paroles.
D'ailleurs, The Dark Side of The Moon est un album à écouter dans les meilleures conditions, avec un son optimum, des enceintes de malade ou un casque d'extrême qualité. D'ailleurs, il fût pendant vingt ans, l'album référence pour tester les enceintes tant le son était révolutionnaire pour l'époque. Parlons maintenant des morceaux.
L'album démarre par des battements de cœurs, battements que j'ai entendu que lorsque j'ai écouté le morceau avec un bon casque. C'est une introduction qui pourra certes paraître banal, mais qui, en l'espace d'une minute vingt, vous fait entendre tous les bruitages que vous allez retrouver dans la suite. Un sorte de prologue à tout la magnificence qui va suivre.
On enchaîne par les cris d'une femme pour faire entrer Breath, probablement l'un des morceaux les plus planants du groupes. De un grâce à l'utilisation d'un Lap Steel Guitare (posée sur les genoux, on joue avec un bottleneck), offrant un son lisse et aiguë. Un instrument que Gilmour avait déjà expérimenté avec One of These Day et qui avait également servi pour le solo final de High Hopes. Bref, les chants de Breath couplant celui de Gilmour et de Wright nous feraient croire qu'il s'agit d'anges comme c'était déjà le cas avec Echoes.
Pas le temps de s'attarder sur Breath qu'on enchaîne avec On The Run, morceaux instrumental qui, sur l'idée de Wright, aborde la peur des voyages souvent rattaché à la mort. En effet, le groupe a à des très nombreuses reprises, craint les voyages en avions. Un morceau donc oppressant, avec des sonorités étranges mais exploitées avec réussite.
Les sons s'estompent et le silence s'impose. On peut alors entendre quelques sons d'horloges et encore. Soudain, celles-ci retentissent et attaquent l'auditeur en plein cœur. Introduction osée, et pourtant, ce n'est rien comparée à la suite de ce morceau. Après ces sonneries, le morceaux prend le temps d'imposer son ambiance, de longues notes de guitare, un clavier doux, une batterie discrète et une ambiance quelques peu oppressante rappelant le morceau précédent. Tout à coup, Mason frappe de toutes ses forces sur ses caisses claires, et c'est le début de l'orgasme. Gilmour envoie toute sa rage au micro. Sur des paroles de Waters, le morceau nous parle du temps qui passe, de la rapidité à laquelle celle-ci coule, et de l'homme qui tente de rattraper le temps perdu. Wright se met à chanter de sa douce voix réconfortante, histoire de nous préparer à l'agressivité d'un Gilmour en forme qui nous balance un solo d'anthologie et puissant. Un solo accompagné par un magnifique choeur de femmes d'ailleurs. Gilmour revient au chant, toujours aussi fou, Wright nous la rejoue tranquille et réconfortant. Puis les notes de Breath réapparaissent, comme un retour aux sources. Gilmour et Wright couplent une nouvelle fois leurs voix pour clore en beauté ce chef d’œuvre de six minutes.
C'est ensuite au tour de The Great Gig in the Sky, un morceau entièrement composé par Wright qui débute par une magnifique introduction au piano, accompagné par Gilmour et son Lap Steel Guitare. Mais ce n'est sûrement pas ces deux instruments qui font la popularité de ce morceau. C'est bien évidemment le solo de chant de Claire Torry, qui admettons-le, prend au tripes sur toute la longueur. Torry gueule dans tous les sens, mais c'est toujours juste et renversant. Elle-même lorsqu'elle a enregistrée ce morceau, est sortie de la salle en s'excusant auprès du groupe qui avait contre tout attente, adoré sa performance. Performance qui d'ailleurs, n'aura jamais été égalée en live à mon grand malheur.
La face A est donc terminée, il est donc l'heure de passer à Money. Morceau mythique du groupe, débutant par des bruitages d'argents et la basse de Waters qui enfin, s'impose (car c'est probablement l'un des albums où il se fait le moins remarquer). Tout comme dans Time, Gilmour envoie du lourd au chant, le ton satirique du morceau rend le tout irrésistible, se moquant de l'influence de l'argent dans le monde (quelle expression ont-ils dû faire quand ils ont appris que leur album était le plus vendu du monde à l'époque). Un solo de saxophone des plus entraînants vient débuter la partie instrumental du morceau pour laisser place a THE moment dans Money. Le solo de Gilmour divisé en trois parties distinctes. La première partie est dynamique et entraînante, tandis que la seconde contient beaucoup moins de notes, mais lorsque celles-ci surviennent, elles vous touchent en plein cœur. Et bam, tout à coup, Gilmour va chercher dans les sons les plus aiguës qu'une guitare puisse faire (22em case de la corde de Mi aiguë), jouissif conclusion d'un autre solo de génie. Le morceau s'achève en fade out lent où on peut entendre des discussions d'artistes interviewés à l'occasion (Paul McCartney fût enregistré mais refusa de passer dans le morceau à cause de ses propos). On y entend un homme avouer avoir enfreint la loi, tandis que Gilmour chante quelques « Away » de différentes façons tandis que la mélodie du morceau suivant prend le dessus.
Us and Them est magnifique. Je n'ai pas grand chose à dire si ce n'est qu'il traite de la guerre sur un rythme lent et posé, et que Wright est à mes yeux, le membre ayant la plus belle voix du groupe. Son chant lors du refrain est d'une beauté inqualifiable et le solo de saxophone accompagne merveilleusement tout la splendeur du morceau.
Puis, revenons à quelque chose de plus expérimental rappelant le On The Run de la face A, voici désormais Any Colour You Like. Un autre morceau instrumental qui pourra en laisser beaucoup de marbre. Le morceau commence par des mélodies synthétiques pour enchaîner sur un solo de guitare qui a malheureusement peu marqué le public. Et pourtant, je vous conseil fortement d'aller voir ce que ce morceau donne en live, parce que bon sang, quelle tuerie. A l'époque, il s'agissait également d'une nouveauté, car le morceau avait nécessité un tout nouveau matériel offrant des sons à l'époque jamais entendu auparavant.
Et enfin, nous arrivons à la conclusion de cette pièce maîtresse de l'histoire de la musique. Le duo Brain Damage/Eclipse. Probablement la conclusion la plus splendide qu'on pouvait offrir à un album. Pour la première fois de l'album, on entend la voix de Waters parlant de folie avec une rythmique toute conne mais efficace. Le refrain couplant le chant de Gilmour et de Waters est quant à lui d'une puissance inqualifiable, notamment lorsque les deux t'envoient à la gueule « I'll see you on the Dark Side of the Moon », tout bonnement jouissif.
Quant à Eclipse, j'ai toujours l'impression que le groupe balance tout par la fenêtre quand j'entends Waters commencer tout ses vers par « All you ». Comme s'il hurlait à quelqu'un une menace. Accompagnez à cela une instrumentalisation énergique, des chœurs de femmes qui semblent être en transe et vous vivrez le dernier orgasme que l'album a à vous offrir. Le temps de vous remettre de la claque auditive que vous vous êtes pris en pleine poire, l'album vous quitte avec ce silence incroyable. Concentrez-vous encore un instant, le temps d'entendre de nouveaux ces battements de cœurs qui ouvraient l'album dans Speak To Me.
Les battements s'estompent, l'album est fini.
L'album de la maîtrise absolu. L'album parfait, où tout s'accorde, tout s'assemble, tout est cohérent et à sa place. The Dark Side of The Moon, comme je le disais, n'est pas mon Pink Floyd préféré, ce n'est pas celui qui me fait vivre le plus d'émotion, mais c'est indéniablement celui que je reconnais comme étant le plus virtuose et le plus cohérent. Je ne peux décidément que m'incline devant tant de maîtrise et à chaque écoute, j'ai l'impression de voyager entre les planètes.
The Dark Side of The Moon, est comme je l'ai dit et cela vaut pour chaque album de Pink Floyd, une expérience. Mais c'est sans doute celui-ci, qui est le mieux préparé, car il est le résultat d'une recherche profonde pour atteindre des sonorités encore aujourd'hui surprenantes, car ses paroles sont écrites d'une main de maître par Waters. Parce que Gilmour n'a jamais été aussi bluffant que dans cet album. Parce que la voix de Wright n'a jamais été aussi présente (et je l'aime profondément). Et parce que Mason est... comme toujours parfait, Mason est la base de Pink, c'est lui qui s'entend avec tout le monde, et je pense qu'il est le principal responsable de l'effet de groupe de Pink Floyd. Et c'est cet effet de groupe qui a permis que Gilmour et Waters travaillent ensemble.
Enfin bref, je m’égare, The Dark Side of the Moon, est un chef d’œuvre, c'est indéniable.