D’entrée, jouons carte sur table :


Oui, je considère Roger Waters comme l’un des plus brillants compositeurs et paroliers de la musique contemporaine.


Oui, The Dark Side of the Moon figure dans mon top 5 de mes albums préférés et The Wall est mon album préféré.


Celui dont vous lisez les lignes est donc un fan invétéré de Pink Floyd mais aussi de l’œuvre de Waters en solo. J’avais par exemple adoré son dernier album, Is This the Life We Really Want, un brillant manifeste contre la géopolitique du XXIe siècle, à la fois actuel et intemporel. Et il y a encore cinq mois, je m’étais pointé cinq heures en avance à son concert à Bercy et retrouvé hurlant comme un fou quand il est apparu à un mètre de moi sous le feu des projecteurs.


Mais voilà, tout fan de Pink Floyd et de Waters que je suis, il y aussi des choses qui ne passent pas. Et ce Redux de Dark Side of the Moon est un condensé de tous les travers du monsieur.


Il y a d’abord l’égo.


L’égo d’un octogénaire qui n’a plus rien à prouver mais qui tente toutefois de nous faire croire qu’un album composé en groupe il y a cinquante ans est de son seul dû. Sauf que non. Si l’entièreté des paroles de Dark Side of the Moon sont effectivement de lui, Waters a peu influé (en tout cas, moins que ce qu’il veut nous faire croire) sur les compositions ou sur les arrangements. La preuve en est. Waters a toujours été plus friand des arrangements plus bruts, moins chargés en delay et reverb (comme dans The Final Cut ou ses albums solos).


Mais à la limite, vouloir refaire Dark Side a sa sauce, ça ne me pose pas de problème. Sauf qu’il faut comprendre avec quelle sauce Waters entend l’assaisonner, cet album.


Parce que Waters aujourd’hui, qu’est-ce que c’est ? C’est un homme qui aime beaucoup s’entendre parler. Il aime coller ses lèvres au micro et murmurer de longs monologues sur sa vie personnelle et sur la situation géopolitique actuelle. C’est un homme qui refuse de laisser les instruments prendre de la place dans le mix. C’est un homme qui vise un style épuré, sec, brut, loin des longues phases de planage auditifs comme Gilmour, Wright et Parsons savent si bien le faire. Bref, c’est un homme de parole…or, Dark Side of the Moon n’est pas un album de parole.


Dark Side of the Moon, c’est deux morceaux instrumentaux, des expérimentations sonores uniques pour son époque, des solos de guitares et de claviers à vous faire hérisser les poils de jouissances et surtout…c’est un morceau dans lequel on entend Waters parler que dans les deux derniers morceaux.


Que Waters rechante l’ensemble des morceaux, encore une fois, pas de problème. Qu’il retire tous les solos de guitare pour les remplacer par autre chose, je veux bien tenter l’expérience (dans Time, c’est pas trop dégueulasse, dans Money, c’est désastreux). Mais qu’il épure à ce point le son pour rendre la mélodie à peine audible, pour moi, c’est du sabotage. The Dark Side of the Moon, c’est un album de musique, pas un manifeste politique plein de monologues longs à en crever où guitares et claviers laissent à peine comprendre les mélodies. J’imagine un auditeur découvrir les morceaux par cette version, je pense qu’il aurait du mal à siffler les mélodies de tête.


Pour finir, ce n’est pas tant le désir de changement ou l’égo surdimensionné de Waters qui m’embête, je l’ai toujours accepté venant de lui. Ça ne me dérangeait pas de l’entendre parler dix minutes entre chaque morceau à son concert. Ce qui me bute véritablement, c’est à quel point il semble vouloir remodeler un album en quelque chose qu’il ne peut pas être. Dark Side of the Moon ne peut pas être un album de paroles parce que la durée des morceaux et leurs structures ne s’y prêtent pas. Dark Side of the Moon ne peut pas être un album politique parce qu’il est plus que ça. Oui, ça y parle un peu de politique, mais ça parle surtout du monde moderne et des névroses qu’il entraîne (l’argent, le rapport à la vieillesse, la folie, la guerre).


Ce Redux ne fait pas évoluer The Dark Side of the Moon vers un style nouveau et plus adapté à celui de Waters, il fait régresser un classique vers quelque chose de creux, pas très intéressant pour l’oreille et franchement ennuyeux. J’espère juste que ça ne sera pas le dernier travail de Waters en studio parce que si le bonhomme devait casser sa pipe d’ici peu, ce serait quand même un sacré gâchis dans sa formidable carrière aussi décriée et propice aux débats soit-elle.


De positif, j’aurai à dire que ce Redux m’aura fait une jolie piqure de rappel : même les Dieux du Rock font des conneries.


James-Betaman
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le 30 oct. 2023

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James-Betaman

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