The End of Heartache par Joro Andrianasolo
2004: Toute une flopée de jeunes musiciens, en majorité venus de chez l’oncle Sam, s’approprient les codes du metal extrême qui fait fureur en terre suédoise depuis la décennie passée. Ils injectent à cet « emprunt » quelques ingrédients bien de chez eux : rythmiques hardcore + hymnes mélodiques de la pop/rock chantés le cœur sur la main et la larme à l’œil + technicité non négligeable héritée des belles années du heavy/thrash. Un seul groupe suffirait à représenter cette gigantesque masse qui inondera la scène metal mondiale jusqu’à l’étouffer : Killswitch Engage.
Non contents d’avoir secoué la planète metal avec leur terrible Alive Or Just Breathing, nos américains vont encore plus loin dans l’exploitation de leur potentiel, avec une équipe différente, mais non moins solide (le line-up ne bougera d’ailleurs plus jusqu’à aujourd’hui). En résumé : le talentueux Jesse Leach en proie à la dépression, abandonne le micro, il apportera néanmoins une ultime contribution sur le refrain de “Take This Oath”. Le batteur Tom Gomes qui avait remplacé Adam Dutkiewicz (ce dernier est maintenant passé à la guitare) est également hors-jeu. Leur remplaçants respectifs sont Howard Jones et Justin Foley, tous deux issus des très bourrins Blood Has Been Shed. Mais contrairement à ce qu’on pourrait attendre, du fait des nouveaux arrivants, ce n’est pas du tout la brutalité qui deviendra dominante. C’est même tout l’inverse, la mélodie prime désormais sur tout le reste.
“Rose of Sharyn”, “When Darkness Falls”, “A Bid Farewell”, toutes sont dotées d’un refrain poignant qu’il devient impossible à oublier sitôt entendu. Portés par un chanteur au timbre instantanément identifiable, chacun des 12 titres de l’album est un tube en puissance (bon peut-être pas “World Ablaze”). C’est simple, ce mec sait tout faire : atteindre les notes les plus haut perchées en n’étant jamais loin de coller le frisson, vomir toute la haine du monde dans les graves, comme les aigus, moduler son timbre entre l’agression et la mélodie sans être moins énergique ou accrocheur. Le plus objectivement possible, il est au moins aussi bon que son prédécesseur. Le sommet de l’album est atteint avec la chanson-titre (s’il y a un morceau de Killswitch Engage que beaucoup d’entre vous ont sûrement déjà entendu, c’est celui-là). Parfaite de bout en bout, couplets, refrain à deux voix, break à la fois groovy et puissant, sans hésitation, ils ont pondu un hymne qui restera dans les mémoires.
Ses compagnons ont aussi leur rôle à jouer, la paire de guitaristes (ils travaillent en tandem depuis la fin de l’enregistrement précédent) qui sortent riffs et lead monstrueuses, mais on déplorera le trop petit nombre d’interventions en solo (uniquement sur “Breathe Life” et “The End of Heartache”). La section rythmique ne se fait pas prier, précise, incisive (roulements de double sur “Declaration”, rafales de blast sur “A Bid Farewell”), dommage tout de même que la basse soit noyée dans le mix. L’ancien batteur devenu guitariste assure également quelques backing vocaux, notamment sur “Rose of Sharyn”. Finalement, il y a peu de reproches à faire à cet album … mais il y en a quand même. Passé “Declaration”, l’impressionnante puissance de feu déployée jusque là s’amenuise. Certes ce n’est pas la première fois qu’on ralentit le tempo. Mais “Wasted Sacrifice” et “Hope Is…”, sans être foncièrement mauvais manquent de ce « quelque chose » qui rendait imparable les 8 premières pistes (oui, même en considérant la petite instrumentale “Inhale”).
L’album de la consécration qui fera retentir le nom Killswitch Engage jusque dans les contrées mainstream, ils seront en effet nommés aux Grammy Awards pour l’épique morceau-titre. Incontestablement de ceux qu’il faut avoir écouté parmi les sorties majeures des années 2000, quoi qu’un peu moins indispensable par rapport à Alive Or Just Breathing. Il est regrettable de constater qu’après ça, ils ont laissé l’impression d’avoir montré tout leur savoir-faire, la suite étant bien pauvre en innovation.