En 2019, 3 semaines avant la sortie de "We are not your kind", je vivais dans une attente permanente, impatient d'enfin poser mon oreille sur le premier album de Slipknot dont je voyais la sortie. Ainsi, lorsqu'il est arrivé, je l'ai accueilli avec bonheur, réécouté en boucle pendant des mois, et l'ai vite placé au panthéon des albums de Slipknot avec l'éponyme sorti en 1999.
Ainsi en 2022, mes attentes pour ce 7ème album étaient hautes, mais en même temps, ayant acquis un certain esprit critique vis-à-vis de mes groupes préférés, je m'étais préparé à l'idée que Slipknot ne pourrait peut-être pas resortir deux fois un chef-d'oeuvre de la trempe de "We are not your kind". Et j'ai bien fait.
Alors avant de rentrer dans le vif du sujet, on va faire une petite comparaison de la forme de "The end so far" par rapport à celle de ses prédecesseurs pour comprendre ses intentions. Tout d'abord, là où WANYK proposait 14 pistes dont 3 interludes, son successeur va lui proposer 12 pistes pour 12 chansons. Pas d'intro bruitiste, pas d'interlude bizarre : une première dans la discographie du groupe. Ensuite les morceaux se veulent pour un certain nombre assez destructurés : l'habituelle structure intro/couplet/refrain/couplet/refrain/break/refrain/fin est moins utilisée que d'habitude, dans une certaine recherche de spontanéité de la part des neufs zikos masqués. Quand on sait que le manque de spontanéité était le (léger) défaut de WANYK, on se dit que c'est une bonne chose. Ajoutez à ça un temps de gestation très court (l'album a été composé et enregistré en à peu près un an), et on pouvait en attendre un skeud nerveux, urgent et spontané.
Haha.
Bon, oublions toutes nos présuppositions et écoutons l'album.
Ça commence avec "Adderall", et de suite Slipknot nous rappelle que, petit 1, ils n'écoutent pas que du metal, et petit 2, ils se fichent éperduemment de l'avis de l'auditeur à la recherche d'un nouveau "Iowa". Ainsi, ce premier titre est un morceau pop-rock vintage à souhait, agrémenté de sonorités bizarres et vaguement inquiétantes, qui nous plonge dans un drôle d'état d'esprit avant de lancer les hostilités.
Celles-ci démarrent avec "The dying song", single principal qui pose un peu les bases de l'album : une compo destructurée qui te secoue bien comme il faut sans pour autant oublier le traditionnel refrain au chant clair. Celui-ci est d'ailleurs harmonisé de façon un peu dissonante, caractéristique principal de l'album. Ce premier "vrai morceau" est encourageant, on passe tout de suite à la piste 3...
..."The Chapeltown rag", le meilleur morceau de l'album. Blast-beats, breakdown, refrain mémorable, rien n'est à jeter.
"Yen", le morceau suivant, cherche un équilibre entre lourdeur et mélancolie, un peu comme un mélange de "Vermilion" et "Dead memories". Le résultat est bon, mais clairement en deçà des morceaux suscités.
Vient ensuite "Hive mind", dont le début au blast-beat m'évoque un peu "Planned obsolescence" de Gojira. Morceau bien bourrin, au refrain pas très efficace en revanche, suivi de "Warranty", lui aussi bourrin et quasi dépourvu de chant clair (Corey n'a pas pu s'en empêcher, il y a quand même un petit bridge mélodique et mélancolique en son sein, et on se demande un peu ce qu'il fait là).
À ce stade de l'album, l'écoute est agréable, pas transcendante, pas inoubliable, mais simplement agréable. Et puis, les choses se gâtent : démarre l'interminable ventre mou de l'album.
Ce "ventre mou" comme je l'appelle, est une succession de morceaux qui se ressemblent furieusement et échouent à capter l'attention de l'auditeur : je parle ici de "Acidic", "Medicine for the dead" et "Heirloom". J'ai quasimment rien à dire sur ces morceaux tant ils m'ont laissé aucun souvenir. Embêtant pour du Slipknot, non?
Bon, histoire d'un peu sauver les meubles, le 10ème morceaux, "H377", vient redonner de l'énergie et des gimmicks vocaux à un album en plein nauffrage. Véritable banger, ce titre risque de faire un malheur sur scène. Enfin si Slipknot daigne un jour changer sa setlist (petite balle perdue, mais en même temps à 3 chansons prêts leur show actuel est le même que celui qu'ils proposaient en 2008).
"De sade" se veut dramatique dans ses couplets, ça marche bien, mais ça ne casse pas trois pattes à un canard.
L'album se conclut donc sur un final portant le nom de "Finale" et qui ne concurrencera ni "Solway firth", ni "All hope is gone", ni même "If rain is what you want".
Alors, finalement, où est-ce que Slipknot a pêché sur ce septième opus? Certainement sur la trop grande homogénéité du disque. Tout les morceaux ou presque ont une intro bruitiste de 30 secondes complètement oubliable. Tout les morceaux ou presque sont dôtés d'un refrain en voix clair un peu dissonant et souvent à côté de la plaque. Et puis, pour un album espéré "spontané", ça manque cruellement d'expérimentation. D'accord on a eu "Adderall" en première piste. Mais ensuite ? Pas de morceau progressif à la "Liar's funeral", pas de vrai ballade à la "Snuff", pas d'Ovni à la "Spiders" ou "My pain", mais que des morceaux "pareils que d'hab sur le fond mais vaguement audacieux sur la forme". L'abscence total d'interlude empêche également l'auditeur de reprendre son souffle pour rentrer de nouveau dans l'album. Au lieu de celà il aura des intro/outro dépourvus de la finesse de celles de "We are not your kind".
Si on veut garder le positif, on peut se dire que les membres du groupe sont tous au sommet de leurs capacités, que ce soit Jay Weinberg et son jeu de batterie de plus en plus brutal, Corey Taylor et son chant très bien maîtrisé, ou James Root et ses soli bien exécutés. Oui mais, quand on y pense, le dernier album de Slipknot pour lequel le compte rendu était "trop homogène, vaguement expérimental avec tout de même chaque membre au sommet de ses capacités", c'était le tristement célèbre "All hope is gone". "The end so far" est-il donc une sorte de remake de l'album le plus controversé du Knot? Seul l'avenir nous le dira, mais on a connu mieux comme perspective...