The Free Life sonne comme un aboutissement, un album dans lequel le groupe assume et intègre ses influences de manière fluide pour en faire émerger leur identité. Au premier abord j’avais très peur de me lasser de l’album assez vite, les morceaux étant accessibles, efficaces et accrocheurs rapidement. Mais après plusieurs écoutes la lassitude ne se faisant toujours pas sentir j’ai dû admettre que décidément ils sont très forts. C’est le signe de quelque chose de très équilibré, une formule rock classique à base de gros riffs qui tâchent et de refrains mémorisables mais saupoudré de ce « petit plus » qui leur permet de se démarquer et de ne pas ennuyer l’oreille. Ce « petit plus » prenant souvent la forme de chœurs bien sentis, de son de synthé originaux et de textures de guitares suffisamment différentes d’une chanson à l’autre. Le groupe prend souvent des libertés avec les structures de chansons traditionnelles ce qui permet tout en étant dans un territoire familier d’être régulièrement surpris par l’ingéniosité de l’agencement des parties. Le meilleur exemple étant probablement le titre éponyme « The Free Life » qui alterne rythme pesant, couplet rapide, refrain accrocheur et pont quasi a cappella avec une facilité déconcertante. Les morceaux arrivent ainsi à se renouveler en leur sein avec une partie qui va doubler, une mélodie de chant changer, un solo va émerger de manière impromptu ou bien la musique va tout simplement se déconstruire, comme à la fin de « Cheap Magic », pour repartir de plus belle.
Puisqu’on est sur « Cheap Magic » profitons en pour parler des (nombreux) featurings de l’album. On a donc Sebastien Grainger de Death From Above 1979 pour faire les chœurs et le deuxième couplet sur « Cheap Magic », sur « Capital X » Joe Talbot de IDLES pour le pont, sur « Domino » Mike Kerr de Royal Blood pour un couplet (je crois reconnaître sa basse aussi mais pas sûr) et enfin Chantal Brown pour « Very Bad ». Je ne connais pas cette dernière mais on dirait qu’elle vient de la soul à en juger par sa voix. Bref comme vous le voyez plein de beau monde qui apporte leur petite touche perso, sympa ça fait de la variation mais rien de fulgurant non plus. Sebastien Grainger et Mike Kerr font le taff mais à cause de timbres de voix proches de celle de Chris Georgiadis leur ajout est moins marquant que pour les deux autres. En effet les styles de ces trois groupes (DFA 1979, Royal Blood et Turbowolf) étant très proches il n’y a rien de surprenant à ça. Autre petit bémol : le fait d’avoir placé tous les featurings en début d’album, ça aurait été bien de les disséminer au fil de la tracklist. Mais je chipote pour pas grand chose, honnêtement ces featurings sont réussis haut la main et s’intègrent bien dans le style de Turbowolf.
Le point sur lequel j’ai été le plus agréablement surpris est sûrement de me rendre compte à quel point les chansons se tiennent en elles-mêmes tout en s’incérant bien dans l’album. Par exemple positionné en 5e position « Half Secret » apporte un peu d’air après quatre chansons très chargées en riffs et en énergie. Du coup elle arrive à point nommé avec sa guitare moins présente et donnr plus de place pour le chant et le synthé. Ainsi lorsque « Domino » arrive juste après on est prêt à re-plonger dans la bataille. On peut la rapprocher en partie de « Up & Atom », qui est aussi plus soft en instrumentation au départ avec son chant doublé par un synthé qui le met en valeur. « Blackhole » apporte aussi un peu de changement avec son couplet punk. Et enfin l’album se clôture par « Concluder » un morceaux folk ponctué par des solos acérés de guitare qui sonnent tels le tonnerre et une mélodie de chant aux petits oignons. D’autant que j’ai un faible naturel pour les fins d’album calmes de ce type.
Dernier point à mentionner : les paroles. En plus d’être bons musicalement, ils se payent le luxe d’avoir des paroles intéressantes. De ce que je comprends la plupart des chansons semblent parler du monde actuel avec un regard assez acerbe. Dans le pont de « No No No » on trouve : « People they think they're so very free/The problem with progress is you and me/People they think they're so very smart (smart)/If only we knew from the start (from the start) », ce que je perçois comme une description des réseaux sociaux. Pour ce qui est de « Cheap Magic » je l’interprète comme une critique de la religion « same old trick », la référence à la trinitée « the three of us » et la division du monde entre bien et mal « and all else fades into the black and white ». Ce qui me conforte dans cette idée c’est l’utilisation de la magie pour décrire le réel aussi utilisée dans « The Free Life » : « Science/Magic/All things in between/Freedom/Free will/The free life is a dream ». Parce que le réel est un mélange de croyance et de vérités scientifiques. L’autre chose qu’on peut tirer de cette phrase est le fatalisme qui s’en dégage, avec « the free life is a dream » on comprend que le déterminisme (ce truc de gauchiste) est quelque chose qui sous-tend le message du groupe. On le retrouve d’ailleurs dans « Domino » avec « That’s just the way it goes » associé à un message d’unité (c’est vraiment des gauchistes décidemment) : « We altogether grow/And separated we don’t/That’s just the way it goes ».
(Critique en vidéo : https://www.youtube.com/watch?v=nLbVBbpQLuo)